ECHOS DE L'EXPOSITION

"L'IMAGE REVELEE" AU PALAIS KHEÏREDDINE A TUNIS

 

LES IMAGES DU VERNISSAGE

( photographies reprises du blog de Karim : http://karim2k.phpmagazine.net/2006/09/limage_revelee_expo.html)

 

 

 

L'AVIS DES VISITEURS

 

Il y a ce qu'écrivent la presse, les organisateurs de l'exposition et les spécialistes de tout poil, mais vous, "simple visiteur de l'exposition", que pensez-vous des photographies de Lehnert exposées à Tunis, de celles qui n'y sont pas, si vous les connaissez, et pourquoi pas, de la polémique dont nous nous faisons ici le "rapporteur" ?...

C'est votre avis le plus important : écrivez-nous !

michel.megnin@free.fr

Voici les premiers commentaires reçus :

 

 

Noureddine

"J'aimerais tout d'abord vous féliciter pour le site ainsi que pour le livre consacré à Lehnert et Landrock. J'y ai trouvé mon bonheur. Je suis encore plus heureux car vous avez fait connaitre aux tunisiens un photographe qui a fait un travail de mémoire de tout un pays, mais qui est resté jusqu'à nos jours inconnu chez nous. Encore merci.
J'espère que vous aurez l'occasion de visiter l'exposition que l'Institut Français de Coopération organise à Tunis pour Lehnert et Landrock. Elle en vaut la peine. Seulement, je trouve dommage l'absence des photos de Harem. Je pense que les organisateurs ont voulu éviter de choquer les visiteurs à l'esprit trop étroit"

 

Jean

"J'ai été merveilleusement accueilli au Palais par une jeune étudiante de 20 ans recrutée par l'IFC pendant la durée de l'expo et qui m'a aimablement guidé, surtout dans la partie art contemporain, située au premier. Je craignais que cette partie art contemporain soit calamiteuse et finalement elle n'était pas incongrue et rendait contre toute attente plutôt hommage à la photographie orientaliste, en la revisitant. Mais bien sûr, c'est le rez-de chaussée qui justifiait mon voyage. Trois salles, une première près de l'entrée et deux autres au fond, séparées par une antichambre obscure. Dans la première salle les photos de Sidi Bou Saïd, suivies de celles de Tunis et des métiers de Tunis, puis du sud tunisien et enfin du désert. Photos regroupées par thème et un peu trop collées les unes contre les autres par grappes. Dans les deux autres salles les portraits et quelques nus, dans une installation aérée, avec une lumière très douce. Parfait ! Je suis parti le surlendemain pour Tozeur afin de tenter de comprendre l'enchantement dont fut victime Lehnert. Voir les mers de sable, de palmiers, de sel et d'eau, entendre les jeunes rire et le vent souffler dans le désert, sentir les odeurs de fleurs de l'oasis le soir comme dans une parfumerie dont tous les flacons auraient volé en éclats, tremper mes pieds dans l'oued, goûter les dattes dans une palmeraie où un père et son fils faisaient la sieste dans l'herbe verte ! Visiter une tente berbère et boire un thé préparé par une Mabrouka peignant la laine de ses moutons ! Et revenir voir l'exposition avec tous les sens remplis de ce sud que Lehnert aimait tant".

 

Hamideddine Bouali, photographe. (H. Bouali termine un ouvrage intitulé : "La Photographie, manière de comprendre, de voir et de faire", à paraitre en janvier 2007 )

"Ce qu’il y a de positif dans l’organisation de l’exposition « L’Image révélée » c’est qu’elle pourrait susciter des vocations. Ceux qui se sont rendu compte de la beauté de leur pays à travers les photographies de Lehnert seront tentés de rêver à en faire à leur tour. Un autre mérite, et qui n’est pas moindre, serait qu’elle génère des idées et la meilleure manière de les exprimer, sans risque d’être interrompu, sifflé ou applaudis, demeure la littérature.
Néanmoins je trouve qu’il y’a plus d’articles « compte-rendu d’événements » que de textes pédagogiques. Il n’y a jamais assez de textes à propos de la photographie. Les lectures d’images , les textes critiques, les histoire particulières ou générales de la photographie sont le mode d’emploi à fournir de toute urgence à tout humain. Les malentendus « photographiques » sont pas plus néfastes que les quiproquos littéraires !!! Alors écrivons à tout rompre à propos de cette exposition et de toutes les autres, passées et futures.
Lors de la conférence de presse organisée deux heures avant le vernissage, j’ai été étonné par la réponse donnée par la majorité des artistes participants au volet « Art Contemporain » de cette manifestation. Il était dit que le « premier étage » était une réponse à l’Orientalisme du rez-de-chaussée ! Toutefois, l’art Contemporain comme réplique à un mouvement artistique qui prospérait un siècle plutôt était uniquement dans les intentions car ni dans les faits ni dans les actes je ne trouve de reparties destinées à Lehnert.
D’abord, lors de la conférence de presse, tous les artistes contemporains ont été unanimes à déclarer que leur œuvres respectives sont des interrogations ! L’un d’entre eux à même utilisé la formule : « Je m’interroge, sans plus ».
Dans les faits, les œuvres exposées n’apportent aucune réponse à Lehnert. D’après l’affluence du public pour les deux niveaux de ce superbe Palais et surtout la durée de passage devant chaque œuvre, je peux sans risque d’être contredit, affirmer que Lehnert demeure un classique (dans le sens qu’il signe une œuvre indémodable). Lehnert a donc établi un dialogue avec les visiteurs. Il leur a peut-être fourni des clefs de lecteur. Chuchoté dans l’oreille de quelques amateurs photographes des ficelles de métier. Les mélomanes à peine sortis d’un concert de musique organisé pendant le Festival de la Médina (Mois de Ramadhan) ont fait durer le plaisir des sens.
Mais pour le dialogue inter-artistique, Lehnert donna son discours (aucun point d’interrogations dans son œuvres) en aparté, pas d’auditeurs – ou d’interlocuteur- en vue !!!
Nous attendions des réponses, on s’est trouvé en présence d’autres interrogations ! Je trouve personnellement que le temps des interrogations est bel et bien révolu…Vivement des artistes -photographes ou autres - qui nous fournissent des réponses, des rectifications, des répliques…des artistes qui réagissent et ripostent. A quoi bon être tourmenté à longueur de journée par des problèmes de tout ordre pour en trouver d’autres dans une galerie d’exposition ? Je m’excuse de la comparaison…Mais les « Guernica » de Picasso, « Tomoko baigné par sa mère » une photographie de Eugène Smith ou « L’Etranger» de Camus (excusez du peu) n’ont-ils pas été de magistrales répliques à des interrogations planétaires, non seulement de leur époque mais aussi d’aujourd’hui ? (Les puristes crieront au scandale n’ont pas d’avoir pris pour exemples des maîtres incontestés mais pour avoir mis sur le même pied d’égalité auteur, photographe et peintre
).
Je trouve que l’idée de départ était mal formulée ! Dans ce genre de manifestation, où en essaie d’établir un dialogue entre des artistes (présent ou absent) il aurait fallu poser clairement les termes du problème ou plutôt les règles du jeu (de rôles !). A l’Orientalisme de Lehnert, il aurait fallu demander à des artistes résidents dans la rive Sud de la Méditerranée ( et non résidant la plupart du temps en Europe) d’aller en Europe en résidence - comme le fut Lehnert en Tunisie - et de rapporter « L’image de l’occidentale du XXIe siècle vue par un arabe ». Ou alors, inviter des photographes émigrés en Europe à pratiquer l’ Occidentalisme ! Imaginons le résultat !
Cette démarche bien que manichéenne est la seule susceptible de fournir au visiteur une vision binoculaire (!) du monde, l’exposition (tout étages confondus) serait une vue du monde enjambant le siècle, répondant inéluctablement à une foule d’interrogations secondaires mais apportant une réplique imparable : Lehnert est comme nous tous : un être humain ; lui arrivant de se tromper, de rêver les yeux ouvert et d’avoir des sentiments ! Nous avons tendance à l’oublier". (souligné par l'auteur)



LA REVUE DE PRESSE

Avec nos commentaires, coups de gueule et "repentirs"...

 

 

LA PRESSE MAGAZINE, 10 septembre

 

Malgré l'article plutôt élogieux consacré à L&L (et pour cause, voir plus bas), l'attaque contre Lehnert & Landrock par Mériem Bouderbala est sans nuances : "image dégradante d'un monde réducteur, frelaté et trivial, plastiquement idéale et donc convaincante". Le rôle du "spécialiste de L&L" a donc été de trouver "des photographies de belle qualité" mais dont Mériem Bouderbala pense finalement ce qu'elle en écrit aujourd'hui. Il y aurait donc d'un côté un photographe qu'elle admirerait et une oeuvre qu'elle condamnerait ! Regrettons évidemment que, dans son article sur L&L, l'attachée de presse de l'exposition, Alya Amza, cite deux paragraphes entiers et de nombreuses formules reprises de mon livre sans aucune mention de la source, livre consacré en grande partie aux cartes postales dont le manque de "sérieux" et de "qualité" n'est plus à démontrer ! Je parle des cartes postales, bien évidemment. Malgré la nécessité du dialogue et de la contradiction, la proximité de mes écrits ainsi plagiés, pratique usuelle de journaliste ou pas, avec l'attaque en règle contre l'oeuvre de Lehnert est pour moi peu acceptable. (M.M.)

 

L’IMAGE RÉVÉLÉE
Tunisie
de l’orientalisme à l’art contemporain

(visuelimage.com)

Du 20-09-2006 au 04-11-2006

La manifestation à laquelle participeront des artistes tunisiens et originaires du monde arabe, en compagnie de Lehnert & Landrock, voudrait être plus qu' une exposition -avec ce que le terme implique de rigidité et de répétition : elle a l'ambition de devenir une action à plusieurs. Une sorte de performance, au sens usité en art contemporain, où se télescopent sources classiques de l' art arabe, traces de sans couture dont les plis éphémères dessineraient chaque fois un corps singulier.

LA PHOTOGRAPHIE ORIENTALISTE, PARADIS ET ENFER

Meriem Bouderbala

Il est des genres artistiques qu' il est difficile de séparer des conditions de leur apparition.On ne voudrait voir que la beauté, la perfection plastique, n' admirer que l' expérience formelle, mais le « hors champ » revient sans cesse perturber notre regard. La photographie orientaliste nous fait rêver, nous émeut, nous trouvons certaines compositions sublimes, nous voudrions en saisir la grâce et la poésie, et pourtant un malaise s' installe. Nous savons que ces photographies sont emblématiques de l' aventure coloniale de 'l Occident ; nous savons que nombres d' entre elles ont servi le marché d un exotisme le plus trivial ; nous savons que les modèles vivaient dans la misère et la servitude. Surtout, nous savons que ces clichés ont tout à la fois contribué à construire notre propre imaginaire, celui des peuples arabes, et qu ils sont aussi la manifestation du regard réducteur que l'Occident a porté, et porte encore, sur nous. La question ici n' est pas tant celle des traces sociologiques et politiques de la colonisation maintes fois débattue.

Le photographe orientaliste a rompu avec l'interdit qui portait sur la représentation de la réalité humaine dans la culture musulmane de l'époque. Sa transgression a permis la constitution du seul patrimoine visuel auquel rattacher un passé qui ne serait resté qu imaginaire ou mythique sans ses images.Mais ce geste, par la nature du contexte qui l' a rendu possible, a contribué à figer les représentations du monde arabe à l' aune de ce que l'Occidental voulait voir ou retrouver. Les paysages ou les hommes étaient souvent saisis dans une atmosphère intemporelle, dans une sorte d' éternité des origines mythologique ou biblique. Reproduire en cartes postales sous-titrées le porteur d' eau, la femme voilée, le vieillard juif, revient à les fixer à jamais dans une posture qui
serait leur nature même, immuable, dans un présent éternel indifférent à l' histoire.

La « mission » de l'art n'est certes pas de rendre compte de la réalité vécue de son temps. L'artiste en revanche ne peut s' en abstraire, parfois pour en témoigner, parfois au contraire pour porter son regard au-delà. L artiste ne peut échapper non plus à l' implication de son travail dans un marché. Celui des photos orientalistes, reproduites par centaines sur des cartes postales à destination de l'Occident, de ses soldats, accentue un peu plus le malaise suscité par certaines mises en scènes. Que le photographe ait dans son atelier voulu exalter la beauté adolescente prend un tout autre sens dès lors que ses clichés vont circuler dans une Europe pudibonde et qui réprime la sexualité.

Nous savons bien qu'une image ne saurait délivrer un message univoque, qu il est facile de l'instrumentaliser, d'en détourner les intentions. Il reste pourtant que certaines images, peut-être plus fortes que d autres, plus abouties justement, deviennent emblématiques et imposent leur lecture du monde. L' écart est-il si grand entre certaines images orientalistes qui réifient leur sujet et l'usage dévoyé de la photographie dans certaines prisons irakiennes ? Il est ici question d éthique plus que de politique. Où placer la frontière entre certaines photos orientalistes qui ne visent qu'à démontrer la sous-humanité de l 'autre et celles qui veulent au contraire en révéler l' essence universelle ?

La question n' est pas vaine car les images orientalistes qui nous ont nourri, qui nourrissent encore plus ou moins consciemment la vision du monde arabe sur lui-même et des autres sur lui, ne peuvent être ni ignorées ni enfermées dans un passé révolu. Il faut affronter leur beauté aussi bien que leurs zones d'ombre si l'on attend que s'affirme un langage plastique contemporain dans le monde arabe. Ces images font choc dès lors qu'elles sont offertes au regard de ceux à qui elles n'étaient pas dédiées. Un choc qui peut sidérer la créativité ou au contraire lui donner les arguments d'une riposte. Ou mieux, d' une rupture qui soit à la mesure d'un deuil..

MERIEM BOUDERBALA

Artiste plasticienne (France-Tunisie)
Commissaire des Rencontres d’Art Contemporain de la Médina de Tunis 2003(…)

La photographie, est-il besoin de le rappeler, n' est pas l' image. Elle n' en est que l'une des apparences. L'image ne doit pas être confondue avec son objet qui ne saurait en être que l' abstraction métaphorique, d'où son rôle controversé. Si l' image a toujours représenté un danger pour les iconoclastes, c'est parce que sa portée symbolique lui conférait une puissance démiurgique. Pour un artiste, il ne saurait y avoir d' images interdites puisque l'objet même de toute création est de dépasser le réel (…)

SIMON NJAMI
Commissaire indépendant, conférencier et critique d'art (France-Cameroun)
Co-commissaire de l'exposition Africa Remix, Düsseldorf, Londres, Paris, Tokyo, Stockholm, Johannesburg,
2004/2007

(…) Inspirée et révélée à elle-même par la Tunisie, elle (l'œuvre de Lehnert) n'en demeure pas moins profondément occidentale dans l'l esprit et dans les thèmes, ne serait-ce que par la fascination qu y exerce l'Orient. S'il choisit de représenter un Orient mythique ou de rêve, il est évident, toutefois, que derrière ces portraits idéalisés ou ces scènes délicatement érotiques, bien au-delà du prétendu réalisme de la photo, une certaine vérité intérieure, la vérité des êtres, leurs aspirations, transparaissent, pour qui sait voir, derrière ces clichés devenus aujourd hui classiques et reconnus dans le monde entier.

ALAIN FLEIG

Artiste plasticien et historien de l'art spécialisé dans la photographie et le cinéma (France)
Commissaire de l' exposition "L'Aventure Orientale", Royan 2006

L’exposition : "L' image révélée, de l'orientalisme à l'art
contemporain" est organisée par l' Institut français de coopération
en Tunisie (IFC) sur une idée originale de Meriem Bouderbala.
Thierry Vielle /Directeur
Denis Lebeau /Attaché culturel
COORDINATION
Anita Dolfus /Chargée des Arts visuels (IFC)
Sandra Davené /Suivi de l exposition et communication
Mounira Hachani-Aouadi /Gestion
COMMISSARIAT
Alain Fleig/Photographies de Lehnert et Landrock
Simon Njami/Art contemporain
Meriem Bouderbala/Commissaire pour la partie tunisienne
SCÉNOGRAPHIE
DZETA /Memia Taktak
en partenariat avec
la Ville de Tunis /Musée de la Ville de Tunis
Souad Mahbouli /Directrice
Contact :Sandra Davené
Mail :sandra.davene@ifctunisie.org
tél :(+216)71 105 214 /fax :(+216)71 105 242

MUSEE DE LA VILLE DE TUNIS –PALAIS KHEÏREDDINE
Place du Tribunal –La Médina, Tunis
10h-19h sauf le dimanche
Période de Ramadan 10h-14h / Nocturnes 21h30-23h30

"Regard réducteur", écrit Mériem Bouderbala (dont le deuxème petit texte reprend mot pour mot l'introduction de Simon Njami dans la brochure officielle de l'expo). C'est peu connaître le fonds photographique et notamment ces fameuses cartes postales non retenues par l'exposition, qui ont montré la Tunis européenne et même les mines de phosphates. Du reste, est-ce l'histoire qui s'arrête ou une réalité qui disparaît que Lehnert a voulu fixer ? De plus, la vision de tout artiste, et malgré ce qu'en pense Simon Njami, Lehnert, comme l'écrit justement Alain Fleig dans la brochure EST un artiste, a forcément un regard réducteur, dans le sens de sa propre subjectivité. En ne se montrant qu'elle-même sur ses photographies, on pourrait dire aussi que Mériem Bouderbala ne porte qu'un regard très réducteur sur le monde qui l'entourre. C'est d'ailleurs le propre même du narcisisme. Pourtant, dans cette exposition, elle semble bien la seule à répondre vraiment à Rudolf Lehnert : "Regarde, homme occidental, et sans doute s'adresse-t-elle ici à tous les hommes et donc aussi aux visiteurs tunisiens de l'exposition, toi qui a dénudé les femmes de mes ancêtres, moi et moi seule, je me photographie et montre ce que je veux de mon corps". Pour le reste, nous sommes consternés de lire sous la plume d'un commissaire d'une exposition dont une partie est consacrée à Lehnert & Landrok chargés ainsi de "représenter" l'orientalisme que, sans autre commentaire sur l'oeuvre de L&L, "certaines photographies orientalistes ... ne visent qu'à démontrer la sous-humanité de l'autre". Pour qui sait lire, après les critiques dejà formulées par Meriem Bouderbala, cette fotrmule réductrice à l'extrême accuse expliciotement L&L de racisme puisque pour celui qui lit à Tunis ces lignes, le propos vise évidemment L&L et semble donc indiquer, beauté et zombres d'ombre ainsi évaluées, ce qu'en pense au final un des trois commissaires de l'exposition. Nous avons démotré dans notre livre que si l'on peut fortement suspecter Landrock de racisme au moins antisémite, le mysticisme théosophique dont s'inspire Lehnert ne le prédipose pas vraiment à de tels errements ! Sachant que la problématique de Lehnert, sa lecture de Tagore et de Rudolf Steiner le laisse à penser, est de mettre en adéquation son oeuvre et sa spiritualité. Pour l'anecdote, la charge habituelle contre les cartes postales nous amuse d'autant que Mériem Bouderbala (qui n'a donc pas lu l'hommage rendu par Alloula aux nus de Geiser après "Le Harem Colonial") s'est réjouie de leur absence dans l'exposition (sérieux et qualité obligent), ce qui ruine évidemment, pour qui saura regarder "la beauté" des oeuvres de L&L, privés qu'ils sont en fait de toutes leurs "zones d'ombre" (pas de cartes postales et les fameux cadres vides, mais rien d'anormal, Lehnert n'est pas un artiste et donc, on peut admettre qu'il y ait chez lui des images interdites dans un Orient devenu bien plus frileux que l'Occident) la pertinence "visible" du propos. (M.M.)

 

 

 

COMMUNIQUE DE PRESSE 20 SEPTEMBRE APRES LA CONFERENCE DU 18 SEPTEMBRE ET L'INAUGURATION

EXPOSITION : "L'IMAGE REVELEE DE L'ORIENTALISME A L'ART CONTEMPORAIN"

TUNIS, 20 SEPT 2006 (POOL-UMA) - UNE EXPOSITION DE PHOTOGRAPHIES INTITULEE '' L'IMAGE REVELEE DE L'ORIENTALISME A L'ART CONTEMPORAIN'' ORGANISEE PAR LA MUNICIPALITE DE TUNIS AVEC LE CONCOURS DE L'INSTITUT FRANCAIS DE COOPERATION (IFC), A ETE INAUGUREE MARDI SOIR, AU MUSEE DE LA VILLE DE TUNIS (PALAIS KHEIREDDINE), EN PRESENCE DE MM. ABBES MOHSEN, MAIRE DE TUNIS, SERGE DEGALLAIS, AMBASSADEUR DE FRANCE A TUNIS ET LES TROIS COMMISSAIRES DE CETTE EXPOSITION: ALAIN FLEIG, COMMISSAIRE POUR LES PHOTOGRAPHIES DE LEHNERT ET LANDROCK, MERIEM BOUDERBALA, COMMISSAIRE POUR LA PARTIE TUNISIENNE ET SIMON NJAMI POUR LA PARTIE ART CONTEMPORAIN.

CETTE EXPOSITION COMPORTE DES PHOTOGRAPHIES ORIENTALISTES DE LEHNERT ET LANDROCK, ARTISTES PHOTOGRAPHES DU DEBUT DU SIECLE DERNIER ET CELLES DE 11 PHOTOGRAPHES ARABES CONTEMPORAINS DE TUNISIE, D'ALGERIE, DU MAROC ET D'EGYPTE.

LE THEME DE CETTE EXPOSITION A ETE CHOISI POUR METTRE L'ACCENT SUR LE ROLE DE L'IMAGE DANS NOS SOCIETES MODERNES. LES PHOTOGRAPHES POSENT DES PROBLEMATIQUES D'ACTUALITE TELLES QUE LA REPRESENTATION DES IDENTITES, L'ECRITURE VISUELLE, LA PRODUCTION DE L'IMAGE, EN INSISTANT SUR L'ASPECT CULTUREL ET ESTHETIQUE.

CETTE EXPOSITION SE VEUT UN REGARD CROISE ENTRE L'ORIENT ET L'OCCIDENT ET UN DIALOGUE ENTRE LES PHOTOGRAPHES ORIENTALISTES ET LES ARTISTES-PHOTOGRAPHES DE TUNISIE ET D'AFRIQUE DU NORD. CES PHOTOGRAPHIES SONT SIGNEES PAR MERIEM BOUDERBALA, JALEL GASTELI, MOUNA KARRAY, MERIEM JEGHAM, NICENE KOSSENTINI ET DALEL TANGOUR DE TUNISIE, MOUNIR FATMI DU MAROC, ADEL ABDESSAMED, ZOULIKHA BOUABDELLAH D'ALGERIE AINSI QUE MOATAZ NASR ET AMAL KENAWY D'EGYPTE.

LES CLICHES EN NOIR ET BLANC DE LEHNERT ET LANDROCK ONT ETE CHOISIS DANS LA GRANDE COLLECTION DES DEUX ARTISTES. PARMI LES OEUVRES EXPOSEES FIGURENT: ''L'IMAGE DE L'AUTRE'', ''L'ULTIME ILLUSION'', ''LE SUD ET LA BEAUTE DE SES PAYSAGES ET SA LUMIERE INEGALABLE''.ALAIN FLEIG A EXPLIQUE QUE CHAQUE PHOTO EST UN LONG TRAVAIL D'ELABORATION, DE FABRICATION ET, POUR NATURALISTE QU'ELLE SOIT, LA PHOTOGRAPHIE N'A VRAIMENT RIEN DE NATUREL OU D'INSTANTANNE. LE NATUREL APPARENT EST TOUJOURS L'EFFET DE L'ART, A-T-IL AFFIRME. LEHNERT (1878) A DECOUVERT LA TUNISIE EN 1903. AVEC SON ASSOCIE ERNST LANDROCK, ILS DECIDENT DE S'Y INSTALLER DURANT DIX ANNEES D'INTENSE CREATIVITE ARTISTIQUE. LE PHOTOGRAPHE DONNERA NAISSANCE A UNE OEUVRE A LA FOIS RICHE ET SINGULIERE. LE TERME D'ORIENTALISTE CONVIENT A L'INSPIRATION DE L'OEUVRE DE LENHERT MAIS CELLE-CI, ESTIMENT LES SPECIALISTES, APPARTIENT AU COURANT NATURALISTE DE L'ECOLE VIENNOISE DONT ELLE EST ISSUE. INSPIREE ET REVELEE A ELLE MEME PAR LA TUNISIE, ELLE N'EN DEMEURE PAS MOINS PROFONDEMENT OCCIDENTALE DANS L'ESPRIT.

DANS LA SECTION ART CONTEMPORAIN BAPTISEE ''DE NARCISSE A SORTILEGE'', LES ONZE PHOTOGRAPHES EXPRIMENT A TRAVERS DES CLICHES EN COULEUR, LEURS ANGOISSES ET LEURS QUESTIONNEMENTS FACE A UN MONDE DANS LEQUEL IL NE LEUR EST PAS TOUJOURS DONNE D'ETRE ENTENDUS COMME ILS LE SOUHAITERAIENT. IL S'AGIT D'UN KALEIDOSCOPE DE TECHNIQUES ET DE PERSONNALITES, D'EXPERIENCES ET DE REFLEXIONS D'HOMMES ET DE FEMMES, DE VOYAGEURS ET DE SEDENTAIRES. L'IDEE GENERALE DE LA SECTION PHOTOGRAPHIES CONTEMPORAINES EST QUE L'IMAGE JOUE A ETRE UNE APPARENCE ALORS QUE L'APPARENCE N'EST SOUVENT RIEN D'AUTRE QUE LA PERCEPTION QUE NOUS AVONS DES CHOSES.

EN MARGE DE CETTE EXPOSITION, UN COLLOQUE AYANT POUR THEME '' IMAGES ET IDENTITES'', SERA ORGANISE DU 2 AU 4 NOVEMBRE 2006, A TUNIS ET REUNIRA PLUSIEURS INTELLECTUELS, CHERCHEURS ET HISTORIENS D'ART.

CETTE EXPOSITION SE POURSUIVRA JUSQU'AU 4 NOVEMBRE 2006 AU MUSEE DE LA VILLE DE TUNIS.

Copyright © 2004 - Pool UMA

L'oeuvre de Lehnert est peut-être profondément occidentale dans son esprit, mais nous continuons à soutenir qu'elle met en images un imaginaire universel. Mais aujourd'hui, c'est l'Orient qui, fidèle à un non-dit intemporel imperméable à toute révolution et reniant son prpre passé, se montre frileux sur ces fameux "interdits" et ce qu'il considère que l'on ne peut pas montrer. Le non-dit et ce que l'on ne peut encore révéler... La question reste cependant posée de savoir si tout a été fait pour éviter cette "révélation" pour le moins incomplète. Mais on notera que Lehnert ET Landrock sont enfin qualifiés d'"artistes photographes" : Alain Fleig, lors de son très court passage à Tunis, a réussi à faire passer le message lors de sa conférence, même si le terme ne s'applique vraiment qu' à Lehnert et que la presse, n'en retiendra rien une fois Fleig reparti dès le lendemain ! (M.M.)

 

 

LE QUOTIDIEN, 21 septembre


Musée de la Ville de Tunis : « L’Image révélée » ou le miroir trompeur

Une conférence de presse a été donnée avant-hier en fin d’après-midi au Musée de la Ville de Tunis. Commissaires et artistes se sont expliqués sur «l’Image révélée». Arrêt sur l’identité et les responsables de l’IFC de s’enorgueillir et d’afficher leur sourire. Il y a longtemps, fort longtemps même, que Tunis n’a pas vécu d’événement pareil. Il faut dire aussi que nos amis français de l’Institut français de Coopération (IFC) mettent le paquet quand il y a l’odeur d’un sérieux projet. Ils réfléchissent là-dessus après mûre étude, s’accrochent et se lancent dans l’aventure avec enthousiasme et l’engagement en sus sans rien laisser au hasard. Professionnalisme oblige et les responsables de s’engager tout cœur, toute âme et de prévoir le moindre détail pour le bon cheminement du projet qui doit apporter un petit ajout d’exceptionnel dans l’agenda culturel franco-tunisien.

C’est en effet, le cas de la manifestation «L’Image révélée, Orientalisme-Art contemporain» qu’abrite depuis avant-hier le Palais Kheireddine (Musée de la ville de Tunis) - sis à la place du tribunal dans la Médina -, et jusqu’au 4 novembre 2006. Une exposition événementielle qui se distingue par le thème et l’organisation du cadre ordinaire et qui inaugure la rentrée culturelle et artistique de la saison 2006-2007.

Qui suis-je ?

Pour ce, et à deux heures seulement du vernissage officiel - qu’a vu venir le tout Tunis artistique (ou presque) et attiré des cortèges officiels et officieux sans oublier bien évidemment les diplomates étrangers accrédités chez nous et à leur tête les Français qui sont derrière la production totale de l’exposition -, une conférence de presse a été donnée mardi au Musée même devant un parterre de journalistes - (du jamais vu!) de la presse écrite et audio-visuelle en présence de l’attaché culturel français Denis Lebeau. Qui était entouré de trois commissaires de l’exposition, Alain Fleig pour les photographies de Lehmert et Landrock, Simon Njami pour l’art contemporain et Meriem Bouderbala, commissaire pour la partie tunisienne mais aussi participante sans oublier que c’est grâce à elle le projet a pris forme. Les artistes aussi étaient tous présents. Ils sont les Mouna Karray, Nicène Kossentini, Dalel Tangour, Meriem Jegham et Jalel Gasteli pour la Tunisie et pour le Maroc, Mounir Fatmi. Pour l’Algérie, Adel Abdessemed et Amel Kenawy pour le pays des Pharaons. Tout ce petit beau monde a expliqué choix, démarches et cohérence thématique de cette exposition portée sur l’identité vue par l’autre ou par soi-même et s’est bien soumis aux rituelles questions-réponses des gens des médias, qui auraient bien aimé visiter les lieux avant de rencontrer les faiseurs de l’événement afin de mieux cerner la manifestation.

Comment est venue l’idée ce ce projet ? Réponse de notre Meriem Bouderbala nationale: «Tout a commencé il y a trois ans. Quand nous avons remarqué, ici même, le succès de l’exposition portant sur les arts modernes, nous avons trouvé le bon filon pour pousser l’aventure au-delà de l’habituel. J’ai proposé mon idée à l’IFC. Ce dernier a donné son accord». Et d’ajouter qu’il y a un public en Tunisie qui affectionne la vidéo, les performances et autres expressions modernes. Cette même idée de sortir du classique a accroché Denis Lebeau et ses «complices».

Exogène, endogène: le face à face

« Le projet de cette exposition à double articulation a été discuté et soumis à un comité de réflexion. On a mis la logistique qu’il faut et travaillé sur la sélection et on a arrêté des propositions. L’IFC, séduit et intéressé s’est lancé dans l’aventure artistique et financière et devenu producteur de l’événement sur la base d’un intérêt commun. Qui sommes-nous ? A quelle époque nous appartenons ? Comment la société se définit-elle ? Telles sont nos interrogations...», a notamment dit Denis Lebeau qui a trouvé tout le soutien qu’il faut de ses partenaires. Quant au commissaire Alain Fleig, il nous a parlé du rêve oriental des années 1900 et quelques. « A cette époque-là, Lehmert et Landrock se revendiquaient comme artistes et pas des documentaristes, l’un et l’autre sont séduits par la Tunisie et le peuple et l’idée d’une photo orientaliste n’a pas de tout existé. C’était seulement un désir de liberté conjugué par un penchant au mysticisme. Ce n’était donc pas une prise de vues mais des photos qui nous racontent des histoires. Elles sont plus proches du cinéma que de la photo.?a nous parle de l’identité de ce peuple qu’ils ont découvert...», a-t-il dit tout en insistant sur le quelque chose d’original et du jeu de lumières qu’on voit dans les rues de la Médina, dans le fin fond du pays ou dans le désert peuplé ou dépeuplé et les portraits en disent long sur anecdotes et proverbes de cette période là.

Et avant que les artistes ne donnent libre cours, tour à tour, pour évoquer leur expérience personnelle sur leur propre identité, Simon Njami a parlé de ce va-et-vient de 70 ans ou plus de distance entre des photos prises par des étrangers dans un pays (qui est le nôtre) occupé et d’autres toutes fraîches prises par les gens du pays. Ici, le Njami a parlé des images qui se confondent avec la réalité et il a appelé à la méfiance : « Il faut réfléchir sur les clichés et nous méfier du réel ou du soi-disant réel de tous les côtés esthétique et philosophique et l’essentiel est de demander aux uns et aux autres de s’identifier eux-mêmes », a souligné notre hôte.

Ce qui n’a pas été dit dans la conférence, c’est le coût global de l’opération. Mais nous avons tout de même déniché le coût des lumières qui tourne autour de quarante-mille dinars. Un cadeau des Français pour notre Musée. Outre l’événement artistique des spécialistes dans l’image et l’identité se pencheront dès le 2 novembre et pendant trois jours à décortiquer ces thèmes qui questionnent le monde d’aujourd’hui, ceux du Nord et ceux du Sud et qui sont d’actualité brûlante. Nous remercions tous ceux qui sont derrière l’événement qui va laisser, outre le catalogue distribué, son empreinte du côté de la Médina.

Zohra ABID

 

Deuxième trace de la position défendue au sein de l'équipe de l'exposition par Alain Fleig. Sans vouloir polémiquer outre-mesure, précisons quand même que "l'idée originale" de Mériem Bouderbala présentée à l'IFC est partie d'un projet d'exposition photographique imaginé par Iadh Bahi et moi-même grâce à ce site, bien avant que Mériem Bouderbala ne songe à l'accompagner par une reprise de ses premières Rencontres d'Art Contemporain au Palais Kheirreddine. (M.M.)

 

 

 

LA PRESSE, 22 septembre

Culture

Présence Des Arts
« Orientalisme-Art contemporain » au Palais Kheïreddine

« La nécessaire irrévérence de l’image » (*)
Dans les salles métamorphosées du Palais Kheïreddine, a lieu une exposition (proposée par l’IFC) à plusieurs visages qui va durer tout le mois de Ramadan et nous confronter aux formes les plus modernes et affranchies de l’art, celui de la photo et celui de la vidéo.

 



Rudolf Lehnert...

La question majeure semble être l’identité : qui sommes-nous sous le regard de l’autre? Qui sommes-nous à nos propres yeux? Questions posées quand on expose les photographies anciennes de Lehnert parrainé par Landrock. On est face à une double étrangeté, celle des anciens procédés qui donnent les couleurs sépia ou les tons gris et bleutés. L’autre étrangeté, c’est la pose à laquelle Lehnert soumettait les modèles rémunérés.
Mais attention, pas d’orientalisme caricaturant l’Oriental. Non, la pose très étudiée permet de sonder des regards profonds chez les bédouines, les femmes rurales préparant le couscous, les vieillards, la foi ancrée dans la ville et la mosquée…
Le nom global de l’exposition est «L’image révélée». On souhaite corriger le passif par l’actif «révélatrice».


Au risque de l'identité

« Sortilèges » florilège

En face de ces vestiges des 5.000 clichés dont beaucoup ont été égarés pendant la guerre 14-18, une dizaine de plasticiens assez jeunes ont souhaité mettre leur marque, par des films et des installations.
Il y a trois commissaires dévoués à ce subtil mélange dosage, à cette confrontation : Alain Fleig pour Lehnert; Simon Njami pour la partie moderne; Meriem Bouderbala, à la fois juge et partie (participante).
Les montages audiovisuels ont été divisés en trois parcours : Narcisse (comment on se dit et se voit), Sacrilèges et Sortilèges. Le palais est tout transformé car on passe dans un labyrinthe de petites salles obscures, aménagé par la talentueuse Mamia Taktak. C’est déjà une œuvre que d’établir la scénographie.
C’est par le côté portrait-autoportrait que les jeunes artistes de Tunisie, du Maroc ou d’Egypte se rapprochent de la frénésie des portraits chez Lehnert, au point qu’il veut faire le portrait d’une rue à Sidi Bou Saïd, d’une palmeraie (l’arbre a son expressivité), d’une mosquée, d’une caravane, en parallèle et en complément aux multiples visages.
On peut se renseigner sur ce photographe présent longuement en Tunisie et en Egypte entre 1901 et 1948 dans un livre écrit par Michel Megnin et la petite-fille de Lehnert, Martine Bernet : "Tunis 1900". La famille s’est ancrée au Maghreb.
Et dans l’exposition, on se partage entre le portrait, « la rue comme portrait » et « l’ultime illusion » (finir sa vie en Tunisie à Redeyef), selon les dispositions d’Alain Fleig.
Donnons quelques exemples des exposants : Nicène Kossentini a modifié et zoomé une photo de famille (montage de 2 mn). Jellel Gasteli explore des territoires. Adel Abdessemed a animé le dessin des diverses attitudes de la prière. Ce qui pour les uns est respectueux, pour d’autres visiteurs, c’est irrévérencieux et cela va avec les propos des commissaires qui voulaient indiquer que l’identité n’est pas immuable, elle varie même entre le matin et le soir! Que dire des différents pays et cultures que nous traversons plusieurs fois par jour ou par année (avec les médias, les informations, la photo, le mouvement). Le visiteur est l’interprète qui modifie les codes.
L’artiste marocain Mounir Fatmi veut qu’on soit libre par rapport à un diktat identitaire. Il propose deux films face à face dont l’un est plein d’humour autour de la question posée aux passants : « Qui sont les autres? ».
Les uns refusent tout contact, d’autres tentent des réponses sérieuses ou farfelues.
L’autre film montre les tours tentaculaires où il y a de quoi se perdre totalement.
A propos des photos sophistiquées de Meriem Bouderbala, on peut se dire que l’orientalisme n’est pas où on le voit généralement. Parodiquement, elle se met en image vêtue, dévoilée. Elle risque d’obtenir le contraire de la critique affirmée. Elle risque de s’enfermer par rapport aux visiteurs dans l’image de femme-objet de ses divers panneaux.
Cela fait partie des ambiguïtés de l’art. Dalel Tangour propose des installations horizontales dans «Le damier rectangulaire».

Des individualités

Si l’effet cherché est la variété, il est obtenu. « Il n’y a pas d’homogénéité culturelle, il faut découvrir des individualités, prôner l’arbitraire et la subjectivité », selon Simon Njami.
Un catalogue soigné permet de broder et tourner autour de nous-mêmes : vus et voyants traversent les apparences.
A noter qu’il y aura quelques animations avec entre autres la psychanalyse de Fethi Benslama.
L’horaire de Ramadan est de 10h00 à 14h00, puis de 21h30 à 23h30.
Le palais est animé par l’accueillante Mme Mahbouli qui nous annonce ensuite une exposition A. Sahli, puis des propositions multiples de Malte.

A.M. EL KHATIB
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(*) P. Bourdieu


Rectifions juste une petite erreur sans conséquence de l'auteur d'un article professionnel qui a au moins fait l'effort de se renseigner un peu plus sur L&L:
"Tunis 1900 ... un livre écrit par Michel Mégnin et la petite-fille de Lehnert, Martine Bernet". On aura rectifié que j'ai écrit ce livre seul, avec évidemment, la confiance de Martine Bernet et notamment la consultation avec elle des archives inédites de sa famille. (M.M).

 

 

 

LE TEMPS, 22 septembre

EXPOSITION L’IMAGE REVELEE – Lehnert & Landrock, ORIENTALISME – ART CONTEMPORAIN

(20 septembre – 04 novembre 2006)

Onze photographes plasticiens : Adel ABDESSEMED, Zoulikha BOUABDELLAH, Meriem BOUDERBALA, Mounir FAHMI, Jellel GASTELI, Meriem JEGHAM, Mouna KARRAY, Amal KENAWY, Nicène KOSSENTINI, Moataz NASR, Dalel TANGOUR, tous originaires du monde arabe (Tunisie, Algérie, Maroc, Egypte) confronteront leur regard identitaire avec celui qui dans l’émerveillement découvrait en 1903, un visage autre de la Tunisie. Il s’agit du photographe Lehnert suivi de son associé Landrock.

Né en Bohème en 1878, Rudolf Lehnert rencontrait en Suisse l’Allemand Ernst Landrock. De cette rencontre historique devait naître une amitié peu commune et une association fabuleuse qui devait à partir de 1904 les amener en Tunisie pour développer une riche activité photographique

C’est un peu le fruit de cette rencontre, entre un photographe talentueux et un homme d’affaires avisé que L’Institut Français de la Coopération a voulu présenter aux gens de la Presse venus nombreux assister à la conférence de presse organisée ce mardi 19 septembre à 16h 30 au Palais Khereddine, lieu de l’exposition.


Redécouverte de LEHNERT sous les regards croisés de la photographie

Après la brève présentation de l’exposition par Monsieur Denis LEBEAU, attaché culturel français, la parole est donnée à Alain FLEIG, (commissaire d’exposition pour la partie L&L) qui devait souligner que l’artiste Lehnert tout en parlant d’identité d’un peuple, faisait aussi de la fiction à partir de la réalité. C’est aussi, souligne-t-il, le moment où certains parlent « d’Art pour tous ». Meriem BOUDERBALA ( commissaire d’exposition pour la partie tunisienne), devait évoquer son expérience encourageante dans l’exposition des Arts contemporains, principal simulateur de cette manifestation pensée dans la cadre enchanteur du Palais Khereddine, dire qu’à la base de tout ce travail de synthèse, il y avait tout un questionnement sur des photos qui font partie de l’inconscient collectif maghrébin. Pour Simon NJAMI, (commissaire d’exposition pour la partie arabe), qui fut le suivant à prendre la parole, « toute image est une fiction » déclara-t-il et si « la réalité demeure un miroir trompeur », « l’image n’est rien qu’une image qui nous invite à réfléchir sur la réalité .»

Des questions furent posées par des journalistes soucieux de redécouvrir les arcanes d’une manifestation à l’ampleur incontournable et où on n’a aucunement lésiné sur les moyens aussi bien techniques que matériels. Aucune question, concernant la question tabou des scènes de « nus » d’enfants qui constituent un pan important de l’œuvre de Lehnert, de ces mystérieux cadres aux photos invisibles que nous découvriront par la suite, lors de notre visite à travers un labyrinthe resplendissant dans la finesse de sa mise en scène. Autre question concernant la corrélation peu convaincante s’établissant entre le statut d’exposant et celui d’organisateur d’exposition. Deux fonctions qui souvent arrivent à se confondre. Mention spéciale est sûrement à signaler sur la prestance du service de presse et de l’accueil.

Cette exposition comme le mentionne le programme sera dans les jours qui viennent, enrichie par des rencontres et débats (du 02 au O4 novembre à partir de 17h 3O). Ils auront pour thème « Images et identités » et se dérouleront à l’Espace El Teatro-Complexe El Mechtel-Tunis. Le public nombreux qui est venu envahir les salles du Palais Khereddine, sera, nous l’espérons, signe de bonne augure pour la suite des évènements culturels qui s’annoncent pendant le mois proche du Ramadan ?


Slaheddine HADDAD – Le Temps, 22 sept. 2006.

 

Enfin un article qui parle de la notion de tabou dans certaines photographies et de ces fameux cadres laissés vides par les organisateurs. Questions non posées et donc sans réponse : "Les arcanes de la manifestation" resteront donc secrètes ... (M.M.)

 

 

 

LE TEMPS, lundi 2 octobre


Orientalisme, art contemporain au Palais Kheireddine
L'image révélée


La nouvelle saison artistique s'est ouverte cette semaine par une large série de vernissages avec leur flot d'œuvres de qualité certainement inégales, mais surtout de formes très variées. Depuis au moins un quart de siècle, la production artistique contemporaine est à l'éclectisme.
Les dissemblances et les singularités s'imposent désormais. L'art n'aura pas cessé de vibrer au tempo du monde, et de se mouvoir avec lui. Grâce aux œuvres contemporaines, c'est donc quelque chose du présent qui se manifeste par les possibilités qu'offre l'art. C'est une sorte d'apostille sur le présent qui se retrouve dans cette marge lumineuse du monde qu'est la scène artistique.

Pour autant, le Palais Kheireddine s'est targué d'une réelle et magnifique mise en scène. Il nous révèle aujourd'hui une vision contemporaine d'artistes d'hier et d'aujourd'hui, de tunisiens et d'étrangers. Il est certainement le lieu à visiter en ce moment même s'il peut sembler étonnant de présenter dans une même exposition des photographies de Lehnert et Landrock avec des photographies et vidéos d'artistes contemporains.

A vrai dire, à l'annonce de cette exposition, nous pensions qu'il y aurait un véritable dialogue entre les photos orientalistes d'antan et le travail des artistes venus présenter leur travail. Nous voulions comprendre dans quelle mesure il y avait dialogue dans ces formes d'art séparées de près d'un siècle, mais les organisateurs eux-mêmes n'ont pas fourni d'explications. Ce qui suppose d'être attentif aux différences et aux devenirs plutôt que de rester crispé sur le passé.

Pour les artistes qui participent, l'œuvre n'a en effet de viabilité que dans les faits; ni abstraction, ni chimère, elle se manifeste de manière autonome, presque sans aucune justification. Réaffirmant qu'il n'y a pas d'objectivité en photographie, qu'il n'y en a jamais eu de toute façon, toute image, même la plus réaliste, reste pour les artistes le fruit d'une fiction et le prétexte à milliers d'autres pour transformer en œuvres leurs rapports avec le monde. Cela signifie en réalité que les artistes et les acteurs de l'art ne se posent pour l'essentiel que des questions d'art, mais qui sont toutes, explicitement ou non, également économiques, sociales, politiques ou sexuelles. Ces considérations étant mêlées les unes aux autres.

Car créer, c'est toujours faire survenir de nouvelles formes, de nouvelles procédures et de nouvelles postures en proposant de nouveaux matériaux à de nouvelles épreuves, afin de distancer les formes anciennes, d'ouvrir les choses pour éveiller de nouvelles sensations et rendre perceptibles de nouvelles réalités.

On quitte donc le rez-de-chaussée de Lehnert et Landrock, le monde des images-représentations pour le premier étage, des onze autres artistes, celui des images-événements, c'est-à-dire pour une autre formule de vérité, d'autres usages des images, d'autres savoir-faire techniques, d'autres équations économiques, d'autres pratiques esthétiques, de nouvelles vitesses et de nouvelles configurations territoriales et matérielles. L'espace cloisonné et sombre du Palais nous oblige à écouter plus attentivement les paroles de certaines vidéos, nous invitant à nous sentir confortables puis à prendre conscience de notre présence physique dans l'espace.

Ainsi, les œuvres des artistes prennent-elles toute leur dimension dans l'espace d'exposition. La lumière Des tubes fluorescents de couleur qui bordent les cloisons noires habillent le lieu jusqu'à lui donner d'autres dimensions. Née de l'esthétique singulière de chaque artiste, l'image et la vidéo génèrent alors à leur tour autant de récits qu'il existe de spectateurs. Et que ceux dont le scepticisme se déclare devant certaines photos ou vidéos passent outre leurs a priori, car l'art contemporain n'est pourtant pas plus incompréhensible que d'autres sujets. L'incompréhension dont il fait l'objet s'appuie largement sur une inadaptation des regards et des pensées qui lui sont attribués. Inadaptation mise en évidence par le décalage, croissant en cette période chahutée, entre la vitesse des mouvements du monde et l'engourdissement de la transformation des formes de pensée et de perception. En fait, l'agir se transforme certainement plus vite que le penser et le ressentir.

La mise en scène majestueuse et muséale du Palais n'a donc rien à envier aux expositions d'art contemporain que l'on a pu visiter en Europe. Apparemment rien ne différencie l'exposition " L'image révélée " des grands salons ou foires d'art contemporain. Ni la légitimité du lieu, ni le nombre des exposants, ni le soin apporté à la présentation, ni à n'en pas douter, la qualité des œuvres, qui est d'un très bon niveau. Bien heureusement, ce genre de manifestation artistique permet de rester optimiste quant au dynamisme et à la vitalité de la création artistique, mais aussi confiant quant à la capacité du public d'y adhérer.

Nadia ZOUARI

Ou comment expédier Lehnert & Landrock en quelques mots à peine ! Le raccourci entre images-représentations et images-événements est très curieux, plutôt exact pour L&L mais pas vraiment pour les créations contemporaines qui sont aussi des représentations subjectives. (M.M.)

 

 

 

SUR LE SITE VILLE.DE.TUNIS.COM

La Tunisie accueille Lehnert et Landrock

Exposition Musée de la Ville de Tunis
Palais de Kheïreddine
Du 20 septembre au 4 novembre 2006

En partenariat avec la Ville de Tunis, l’Institut Français de Coopération en Tunisie (IFC) propose une exposition conçue et mise en oeuvre à partir d’une idée originale de la plasticienne tuniso-française, Meriem Bouderbala.

Le travail artistique de Meriem Bouderbala est marqué par le regard occidental qu’ont porté les photographes orientalistes sur le monde arabe au début du siècle. Enfant, c’est à travers leurs yeux qu’elle a découvert son pays, à travers les yeux d’étrangers, elle qui l’était aussi en partie. L’objet de l’exposition est d’initier un dialogue contradictoire sur la notion de représentation. Il s’agit d’opposer le regard que porte « celui qui était regardé » sur celui qui, jusque-là, avait détenu le monopole de voir.

« L’image révélée » présente onze artistes contemporains dont six Tunisiens et cinq autres, originaires du monde arabe (Algérie, Egypte, Maroc) qui vont confronter leurs regards complémentaires et contradictoires à ceux de deux photographes orientalistes européens du début du siècle, Lehnert et Landrock.

L’IMAGE REVELEE, De l’orientalisme à l’art contemporain

> La photographie de Lehnert et Landrock constitue un point d’ancrage utile en ceci qu’elle se situe au coeur même du débat sur la représentation. La photographie orientaliste a contribué à construire l’imaginaire du monde arabe mais elle est aussi la manifestation du regard réducteur que l’occident a porté, et porte encore, sur lui. « L’autre » est présenté au travers de codes qui lui sont étrangers, il n’existe pas en lui-même mais le plus souvent au service de ce que l’occident réprime dans ses propres normes. L’intérêt premier de la confrontation entre l’oeuvre de Lehnert & Landrock et celle d’artistes contemporains réside en cela. Elle joue comme provocation à interroger l’imaginaire collectif à propos du monde oriental, et donc celui qui fonde la personne. Quel regard les artistes contemporains du monde arabe portent-ils sur la genèse photographique des images de la période orientaliste ? Comment ressentent-ils dans leur art cette part obscure de l’histoire qui malmène leur identité et leur altérité ?

L’exposition met en vis-à-vis une vision exogène de la Tunisie et des Tunisiens du début du siècle avec une vision individuelle et contemporaine d’artistes qui n’étaient pas nés lorsque ces images ont été prises. Les artistes contemporains se distinguent et se démarquent par la personnalité de leur travail et par la manière dont ils mettent en scène, à quelque soixante-dix années de distance, leur propre vécu et leur société. Une mise en abîme, par-delà l’histoire, des regards croisés que se sont toujours portés l’Orient et l’Occident, revisités par des artistes d’ici et de maintenant.

LEHNERT & LANDROCK

On a dit Lehnert amoureux du pays, bien sûr, mais à travers toute son oeuvre, toujours c’est aux gens que cette oeuvre s’adresse. Ce sont les gens ordinaires qu’elle concerne : les femmes, les jeunes, les pauvres, tous ces “oubliés” si présents néanmoins. Les photographies de Lehnert prises en Tunisie au début du XXème siècle seront présentées par thèmes, dans les catégories suivantes :

La rue comme portrait —> Vues urbaines
- L’image de l’autre —> Portraits
- L’ultime illusion —> Le Sud
- Un oeil à l’ouvrage —> Académies

LES ARTISTES

A travers la photographie, l’installation et la vidéo, les artistes contemporains exprimeront leurs angoisses et leurs questionnements face à un monde dans lequel il ne leur est pas toujours donné de s’exprimer pleinement, victimes propitiatoires d’une époque qui néglige l’individu pour la masse. Il s’agira d’un kaléidoscope de techniques et de personnalités, d’expériences et de réflexion.

- Egypte
MOATAZ NASR et AMAL KENAWY présenteront des oeuvres photographiques qui nient la forme et entendent aller au-delà de l’image convenue. La photographie, chez eux, n’est qu’un moyen d’aller voir plus loin, de l’autre côté du miroir des apparences. Un jeu en trompe-l’oeil, donc, qui nous invite à éviter le piège des évidences et des vérités toutes faites.

- Algérie
ZOULIKHA BOUABDELLAH et ADEL ABDESSEMED nous montreront, l’une avec un travail d’autobiographie, l’autre avec une oeuvre qui relève de la chronique familiale, les enjeux d’un monde en mutation dans lequel il n’est pas toujours aisé de trouver sa place.

- Maroc
MOUNIR FATMI.

- Tunisie
MERIEM BOUDERBALA, MONA KARRAY, NICENE KOSSENTINI, MERIEM JEGHAM, DALEL TANGOUR, JELLEL GASTELI.

"Opposer la vision de ceux qui détenaient le monopole de voir et celle de ceux qui étaient regardés" : formule "réductrice" qui occulte l'évolution de l'histoire au sein de l'Islam où, au début du XXème siècle, la foi musulmane interdisait de fait dans les esprits, et donc dans la pratique, d'exercer la profession de photographe, y compris dans la partie de ce monde non soumise à la colonisation : y avait-il des photographes professionnels musulmans à Istanbul ? Sur ce point, les choses ont changé et c'est tant mieux ! (M.M.)


 

 


LE TEMPS, dimanche 8 octobre



Entretien avec Martine Bernet, petite-fille du grand photographe, Rudolf Lehnert


" Je sens chez Lehnert, une transmission de l'émotion "


Fille d' Eliane Lehnert, épouse Bernet et petite-fille de Jenny Lehnert, Martine Bernet n'est rien d'autre que la petite fille du grand photographe Rudolf Lehnert né en 1878 en Bohème. Native de Tunisie, Martine Bernet quitta ce pays pour la France son nouveau pays d'adoption après une enfance et un début d'adolescence riches en évènements.

C'est en effet à l'occasion de ce grand hommage rendu par l'Institut Français de Coopération en association avec le Comité Culturel de la Municipalité de Tunis à son grand-père que Martine Bernet a de sa propre initiative pris l'engagement de revenir en Tunisie. Une venue au pays d'origine, suivant une démarche qu'elle aura tout au long de cet entretien loisir à nous expliquer.

°Vous êtes là, aujourd'hui, parmi nous pour honorer par votre présence la célébration de ce grand photographe qu'était votre grand-père Lehnert, mais aussi pourquoi ?

-Présente aussi pour retrouver mes racines, puisque j'ai quitté la Tunisie à l'âge de quinze ans, après avoir passé en tant que fille du médecin de la Société Française des Phosphates de Tunisie, toute mon enfance et le début de mon adolescence à Redeyef. J'ai été en pension à Tunis, pour rentrer à Redeyef pendant les vacances scolaires, retrouver entre autres, le désert et ses gens.

Á l'époque, il y avait à Redeyef une communauté étrangère composée de Russes blancs, de Français, d'Italiens, de Maltais et un personnage mystique Chomovitch. Chomovitch était un personnage important de la compagnie française des phosphates au contact duquel, j'ai appris pas mal de choses. Il cumulait au sein de cette société plusieurs fonctions bien que n'étant spécialiste en rien. Ajoutons à cela, que tous les scientifiques de Paris en mission dans la région, se donnaient rendez-vous dans cet endroit et c'était un tel foisonnement, une telle richesse !

°Cette exposition honore en fait deux hommes : Lehnert, le photographe et Landrock l'homme d'affaires. Ne trouvez-vous pas bizarre, cette façon de procéder ?

-)Quand on connaît Lehnert, tel que je l'ai connu à travers ma mère, il était le moins matérialiste; c'était l'artiste du tandem. Je dirai que dans le tandem tel que je le découvre, c'était lui, le plus préoccupé par tous ces problèmes, d'expression artistique, mais en même temps, j'avoue mal connaître Landrock avec qui nous avions toujours eu des problèmes de langue. Ce que je sais, c'est que Lehnert a été beaucoup attristé par sa séparation avec Landrock. Il l'a ressenti très profondément car il n'y avait pas entre eux que des rapports purement commerciaux.

°L'œuvre de Lehnert demeure très controversée et suscite encore des années après les réactions extrêmement contradictoires que vous devinez ?

-Quand on parle de l'œuvre de Lehnert de ce côté-ci de la Méditerranée, je suis étonnée par la mise en exergue d'une partie de son œuvre à travers un discours politique. Ce discours, je le ressens comme déséquilibré sans le nier. Pour en revenir à l'aspect érotique, il y a quand même dans votre culture, une approche sensuelle de l'individu moins frileuse qu'en Occident. Occulter la bisexualité ne me paraît pas un fait naturel.

°Il y a quand même quelque chose d'injuste, à ne pas remarquer l'influence de l'entourage dans la mauvaise utilisation des photos de Lehnert ?

-Landrock a été essentiellement le financier et le commercial du tandem et non pas l'homme du laboratoire. Implicitement, il n'est pas responsable. Il ne pouvait être conscient des implications actuelles.

°Pour avoir fait rencontrer cette école de photographie qu'était le Pictorialisme et l'Orientalisme. Lehnert nous a offert les plus belles photos d'un désert dans tous ses états et celles des êtres qui le peuplent. Des dizaines d'années après, est-ce encore votre impression ?

-Je n'aime pas cette forme de catégorisation des choses. Je pense que chez Lehnert, l'approche est plutôt globale. Personnellement, je suis cette femme du vingt et unième siècle qui contemple l'œuvre de Lehnert avec son vécu. Je sens chez Lehnert, une transmission de l'émotion. Ce qui est émouvant dans ces photos du désert, c'est cette métaphysique qu'il voulait transmettre, son goût des oasis sur lequel, il ne cesse de réfléchir pour adopter une dimension plus spirituelle et puis, le désert ce n'est pas uniquement de la solitude, mais aussi des gens que l'on rencontre.

°Je sais que de par vos origines, vous êtes rattachée à cet Orient qui aujourd'hui vit des moments difficiles. Pouvez-vous nous dire si aujourd'hui quelque chose vous rattache à ce spiritualisme ésotérique que votre grand-père a longtemps revendiqué ?

-De par mes engagements dans des associations sociales et philosophiques, je revendique aujourd'hui l'héritage spirituel et sentimental auquel mon grand-père croyait.

Entretien conduit par

Slaheddine HADDAD

 

Travail exemplaire d'un journaliste qui, sans renier ses convictions, travaille et informe. (M.M.)


 

 

QANTARA

Le magazine trimestriel de l'Institut du Monde Arabe

L’image révélée

Le service culturel de l’ambassade de France en Tunisie orchestre au détour d’une exposition la rencontre des photographies de Lehnert et Landrock, qui travaillèrent à Tunis entre 1904 et 1914, et des œuvres de onze jeunes artistes arabes. Une confrontation qui vise à déconstruire l’image colonialiste des clichés de Lehnert et Landrock et à dévoiler le regard que portent aujourd’hui de jeunes plasticiens arabes sur leur monde, en un étonnant dialogue qui se noue entre l’univers de photographes du début du xxe siècle et une vision contemporaine du monde arabe. Trois thèmes ont été retenus pour donner un aperçu du fonds Lehnert et Landrock : la rue, l’image de l’autre et le sud du pays. Les onze artistes sélectionnés sont originaires de Tunisie, d’Algérie, d’Égypte et du Maroc. Parmi eux : Mounir Fatmi, Mouna Karray ou Moataz Nasr.

L’image révélée, Musée de la Ville de Tunis, Palais Kheïreddine, rue du Tribunal, place Kheireddine 1006 Tunis

Jusqu’au 4 novembre



C'est bien la première fois que l'objectif de "déconstruire l'image colonialiste de l'oeuvre de L&L" est évoquée dans un article évoquant l'exposition. Alain Fleig se dévoile enfin. Mais à lire les articles parus à Tunis jusqu'à présent, il semble que le but ne soit pas vraiment atteint puisque les deux autres commissaires accablent l'oeuvre L&L de leur présumé contenu idéologique : Mériem Bouderbala appelle à en faire le deuil (ce que l'on pourrait aussi d'ailleurs interpréter conmme décoloniser le regard ! ) et que pour Simon Njami, "la photographie orientaliste du nord a été remplacée par les journaux internationaux qui propagent à longueurs de diffusion des clichés tout autant chargés d'idéologie que ceux des siècles précédents". Au contraire, Ies artistes contemporains exposés n'imposent aucune vérité (voir plus bas sur le site de l'IFC), et laissent à chacun "la jouissance de son libre-arbitre", ce qui n'est donc pas permis à Lehnert, évidemment, puisqu'il n'est pas artiste. CQFD ! L'absence pour l'instant quasi totale dans la presse d'Alain Fleig nuit évidemment à l'efficacité de son propos. Mais ce serait sans doute rendre public ce qui ne doit pas l'être, et notamment sur les responsabilités de chacun. A force d'ignorer le dialogue et la confrontation des idées, on s'expose inévitablement, bien au-delà de la critique, à un certain isolement. Mais, avant de regretter que quand on considère qu' il y a "erreur de casting" il faut savoir en tirer toutes les conséquences, attendons quand même le colloque... (M.M.)

 

 

 

SUR LE SITE DE L'IFC

11 octobre 2006


Exposition "L'image révélée"
de l'orientalisme à l'art contemporain

Musée de la Ville de Tunis
Palais Kheïreddine
Place du Tribunal, La Médina
Tunis
71 567 780

L'image révélée présente des photographies orientalistes de Lehnert et Landrock qui dialogueront avec des créations contemporaines de onze artistes tunisiens et originaires du monde arabe (Algérie, Egypte, Maroc) sur le thème « Image et identités ».

La photographie de Lehnert et Landrock constitue un point d'ancrage utile en ceci qu'elle se situe au coeur même du débat sur la représentation. Nous allons mettre en vis-à-vis une vision exogène de la Tunisie et des Tunisiens du début du siècle avec une vision individuelle et contemporaine d'artistes qui n'étaient pas nés lorsque ces images ont été prises. Les artistes contemporains se distinguent et se démarquent par la personnalité de leur travail et par la manière dont ils mettent en scène, à quelque soixante-dix années de distance, leur propre vécu et leur société. Ici, aucune idéologie, si ce n'est la force des images. L'exposition n'entend affirmer aucune vérité. Elle laisse au spectateur la jouissance totale de son libre-arbitre.

(Extrait du texte de Simon Njami dans la brochure publique dont l'IFC reprend la thèse sans aucune référence au texte d'Alain Fleig qui défend le statut d'artiste de Lehnert)

 


Rencontres et débats “Image et identités”
du 2 au 4 novembre à partir de 17h30
El Teatro - bld Ouled Haffouz - Complexe El Mechtel - Tunis
71 894 313

 

LA PRESSE (Tunis)

11 octobre 2006

Au Palais Kheireddine, ce jeudi 12 octobre, une rencontre originale sera organisée dans le cadre de l'exposition « L'image révélée ».

Nicène Kossantini, une des photographes tunisiennes qui participent à cette exposition qui remporte en ce moment un grand succès d'audience, a invité une cantatrice - Alya Sellami - à « chante r» ses photos ou du moins à interpréter en musique ce que le travail de l'artiste pouvait lui inspirer. Née à Sfax, Nicène Kossantini vit et travaille à Tunis. Diplômée de l'Institut supérieur des Beaux-Arts de Tunis en architecture d'intérieur, doctorante en arts plastiques à La Sorbonne, elle a travaillé sur le thème de la photo de famille. L'artiste a recueilli les photos d'archives de grandes familles sfaxiennes pour les mettre en question dans son travail de vidéaste. Cela dans une volonté affirmée d'interroger ce qu'elle appelle « l'âme de la Tunisie » plutôt que la mémoire propre à chacune de ces familles. L'accompagnement vocal de Alya Sellami accompagnera, soutiendra cette mise en images. L'expliquera-t-elle? La musique n'explique rien mais elle peut permettre de mettre l'accent sur l'essentiel. Une rencontre à ne pas manquer.

A.h.

Un événement d'une réelle pertinence qui donne vraiment envie de "voir" et d"'écouter" et qui honore l'exposition : heureux ceux qui auront pu y assister ! (M.M.)

 

 

Mes commentaires annoncés sont finalement remplacés par quelques lignes à la suite de certains articles quand cela me paraissait nécessaire d'intervenir. Ne pouvant venir voir l'exposition à Tunis pour des raisons de santé, ce ne serait pas correct de commenter le contenu de l'expo et encore moins de le critiquer. De plus, l'exposition et le colloque qui la terminera forment un tout. Il serait donc injuste de formuler des critiques sur l'exposition elle-même, avant de savoir ce qui sera dit et publié lors de ce colloque. Nous espérons simplement qu'Alain Fleig, le commissaire de l'exposition photographique, s'exprimera davantage lors de ce colloque que dans les journaux qui se font l'écho jusqu'à présent de l'exposition. Nous regrettons quand même que le catalogue de luxe qui devait être distribué gratuitement aux visiteurs, c'était l'idée de départ du moins et pour cela que les ayants-droits ont offert les frais de copyright, ait été donné aux journalistes et personnalités, puisqu'officiellement, les photographies de ce catalogue, dont des nus, voir (ou ne pas voir) les fameux cadres laissés vides, ne correspondent pas aux photographies exposées. Et que, dans la brochure distribuée, malgré les informations biographiques très précises que j'ai fournies en son temps, les erreurs soient si nombreuses. Nous ajoutons à ce jour, malgré les efforts méritoires de deux journalistes, l'omniprésence dans la presse du discours des deux commissaires qui, s'acharnent contre L&L en les utilisant comme les représentants emblématiques de la photographie orientaliste dont ils dénoncent l'idéologie, déniant même à Lehnert le statut d'artiste, alors que Fleig appelle dans le désert à décoloniser le regard sur leur oeuvre ! Etrange triumvirat : nous sommes pour le dialogue et la confrontation des idées, même au sein d'une exposition, mais il faut quand même un minimum de cohérence dans le propos d'ensemble et surtout qu'un certain équilibre soit respecté, ce qui n'est pour l'heure absolument pas le cas. Tout se passe comme si on avait donc choisi Lehnert parce que c'était le plus talentueux des photographes orientalistes (mais pas jusqu'à mériter d'être reconnu comme un artiste : ce qui, provenant de photographes eux-mêmes, est quand mêmedifficile à compendre, contexte colonial ou pas) et qu'il n'en était ainsi que plus dangereux, car rendant plus convaincante une idéologie dénoncée au mieux comme dominante (Simon Njami), au pire comme raciste (Mériem Bouderbala). Excédé par ce qui ressemble de plus en plus comme une mise en accusation au sein meme de l'organisation de l'oeuvre de L&L, et donc forcément dans la presse, afin de rétablir un peu de cet équilibre, nous reproduisons ci-dessous le texte hélas trop court d'Alain Fleig sur lequel la presse tunisienne et même les communiqués officiels de l'IFC ont donc décidé de faire l'impasse quasi totale. Pour l'instant le "dialogue" est donc à sens unique et si, malgré des résistances non négligeables, l'Occident ne cesse de remettre en cause son passé colonialiste, l'Orient à Tunis reste imperméable à toute remise en question. Je renvoie pour ceux que cette question intéresse au livre d'Abdelkrim Khatibi, "le corps oriental"chez Hazan. Khatibi monte comment la photographie orientaliste a finalement été utile notamment dans la représentation par l'orient par lui-même et notamment sur le théme de la réapropriation de son corps. Mériem Bouderbala ; sans le savoir ou l'admettre, en donne l'exmple le plus éloquent. Dommage que Khatibi, ainsi qu'Adbelwahab Medebb, Christelle Taraud et quelques autres ne soient pas invités au colloque. Enfin, lisez ce qu'écrit Mériem Bouderbala qui est donc à l'origine de la "confrontatrion" entre L&L et l'art contemporain. "La Ville de Tunis accueille Lehnert & Landrock", titre le site de la Ville. En lisant la commissaire-exposante qui signe la majorité des textes du catalogue, on se demande si, en lieu et place d'"accueil", il ne s'agit pas plutôt d'un véritable guet-apens ! Cela ne ressemble pas vraiment au dialogue, confrontation ou même contradiction, mais, de la part de "l'initiatrice" du projet, à un véritable piège : haro donc sur L&L et l'orientalisme qu'ils sont chargés de représenter, sans aucune nuance sur l'originalité propre à L&L et aucune remise en question de sa propre histoire, des interdits de sa propre société et des phénomènes de marginalité que celle-ci engendre (encore aujourd'hui) et dont rend compte, aussi, l'artiste Lehnert. Plutôt que de parler des prostituées qui travaillent toujours à Tunis à quelques minutes du palais Kheireddine et donc de ce que l'on cache encore, un demi-siècle après la décolonisation, on préfère parler des prisons de Bagdad et commettre les amalgames les plus téméraires (voir plus bas). Comme dirait Mériem Bouderbala, "l'art contemporain trouve ici sa propre justification". En ce qui me concerne, et malgré mes appels incessants au dialogue, mes réticences exprimées jusqu'à la fin à participer à une telle entreprise y trouve aussi sa propre et pleine justification, même si le bilan final se fera au terme du colloque où l'on espère enfin, au-delà des anathèmes, un véritable débat, contradictoire, sans aucun doute, mais portant une parole multiple, libérée de la prison des idéologies de combat du passé (comme dirait Alain Fleig, ne nous trompons pas d'histoire...) et encore une fois, dans la mesure du possible, des amalgames et anachronismes historiques les plus élémentaires.

Pour les habitués de ce site, je voudrais préciser que ma non présence à Tunis avant et pendant le colloque ne s'explique que par des raisons de santé et en aucun cas par volonté délibérée. C'est d'ailleurs, malgré les commentaires que certains trouveront décidément bien sévères, un véritable crève-coeur que de ne pas pouvoir venir visiter l'exposition et ne pas participer physiquement au débat qui terminera un événement qui, quoi que j'en puisse écrire, restera comme un moment fort de la vie culturelle et intellectuelle à Tunis, même si l'on peut toujours penser que l'on aurait pu faire mieux, plus ou autrement, ce qui est évidemment le plus facile à énoncer. Enfin ne vous étonnez pas, si lors de plusieurs visites et lectures, vous trouverez des formulations différentes, voire des infléchissements de ma pensée. Celle-ci n'est pas figée dans le marbre, elle évolue au fur et à mesure qu'elle s'empare de territoires nouveaux et qu'elle s'enrichit au contact de l'autre, c'est-à-dire mon égal, par le dialogue, le débat et la contradiction. Celle-ci est donc indispensable mais dans la mesure où elle se développe dans un cadre préservant l'équilibre. C'est ici la critique la plus importante que je peux formuler quant à ce qui se lit dans la presse pour l'instant, le plus important, encore une fois, restant l'avis des visiteurs, sachant toutefois que ceux-ci ont accès à la vision d'une oeuvre filtrée par de (trop ?) nombreux intervenants.

(M.M. Dernière mise à jour ou "repentir" 26 octobre 2006)

 

 

 

Catalogue de l'exposition L'image révélée, Lehnert et Landrock, introduction Mériem Bouderbala, textes Alain Fleig et notice biographique d'après Michel Mégnin, sous coffret avec le catalogue de l'exposition sur l'art contemporain avec textes de Simon Njami et surtout de Fethi Benslamah. Publié par l'IFC, Tunis, 2006.

Le catalogue luxueux de l'exposition a été distribué uniquement aux happy few à cause des quelques photographies de nus orientaux qui s"y trouvent et qui n'ont finalement pas été exposés (les superbes nus européens reproduits sont inédits et ont été maintenus dans l'exposition). Il est donc difficile d'en faire la promotion puisque la gratuité des copyrights offerte par les ayants-droits faira sans doute le bonheur du marché noir. Cela est d'autant plus consternant que lire l'un après l'autre mais dans la même publication des avis contradictoires est moins choquant que des aticles isolés qui ne diffusent qu'une seule pensée. Précisons que nous respectons les positions défendues par Mériem Bouderbala qui se fait l'écho de ce que beaucoup pensent. Notre objection majeure consiste à s'interroger sr sa démarche quand elle a contacté les ayants-droits pour les impliquer dans une projet qu'elle transforme, pour ce qui la concerne et en tant qu'iniatrice du projet mixte, comme ce qui ressemble quand même bien à une mise en accusation sans nuances. Ne pas pouvoir trouver ce catalogue nous désole aussi car l'on y trouve par Alain Fleig l'étude la plus complète et la plus sérieuse à ce jour de l'art de Rudolf Lehnert. L'auteur intégre nos récentes découvertes et propose une décolonisation du regard sur une oeuvre au-delà du contexte qu'il précise et qu'il ne nie pas. Cette oeuvre, qui restitue pourtant un peu de l'âme de la Tunisie, reste profondément occidentale et reliée directement au naturalisme de l'école de Vienne. L'analyse des photographies est d'autre part clairement différenciée de celle de "nos" cartes postales en couleur dont Fleig ne connaît pas d'autre équivalent (il y a pourtant les cartes de Rudolphe Neuer qui, il est vrai, s'inspire de celles de L&L) et qu'il compare à l'art de l'estampe si florissant en cette époque d'Art Nouveau. On regrette juste quelques simplifications pour appuyer la pertinence de la démonstration et des certitudes assénées sans nuances ("Lehnert ne photographie jamais la réalité" : c'est oublier "notre" barbier calligraphe, les vues de la Tunis européenne -exemple Le Tunisia Palace- et les premières cartes postales plus riches en prises sur le vif) soit le contraire (sur les photos de garçons, Fleig écrit que l'"on se trompe d'histoire" avec la pédérastie et puis ajoute un "pourquoi pas" qui renvoie à ses premiers commentaires sur le sujet parus dans Rêves de Papier : difficile de s'y retrouver, même si rien n'est jamais simple. D'autre part, lier le regain d'intérêt pour L&L à la peur qu'inspire l'islamisme en Occident et qui inviterait à donner de l'oeuvre de L&L une interprétation rassurante car consensuelle est assez réducteur. Quand Cardinal a situé l'oeuvre de L&L "comme au carrefour de deux imaginaires", on ne parlait guère d'islamisme et l'actualité de nos travaux n'est due qu'à la séduction non prévue d'une oeuvre unique, alliant, comme le dit si bien Fleig, "sensualité et spiritualité" (nous avions grandement insisté sur ce dernier point), à notre rencontre avec Martine Bernet et la découverte de pièces d'archives inédites en France et à Tunis. Que notre site internet où la "lehnert-landrockmania" est parée de textes bien plus nuancés que l'analyse d'Alain Fleig, notre livre et ses "révélations", affinées par un résumé forcément incomplet de nos travaux les plus récents dans la notice biographique de ce catalogue, soient à l'origine de ce "regain d'intérêt", et notamment de l'exposition de Tunis dont Alain Fleig a accepté d'être le commissaire, n'a donc rien à voir avec une volonté délibérée de "rassurer" dans un contexte choisi à l'avance. (Attention, dans la notice, il est écrit que L&L sont au 7 rue des Tamis sous 'lenseigne "Tunis-Photographie" : comme nous l'avions indiqué à Alain Fleig, cette enseigne ne concerne que le 7 Avenue de France aussi appelée Photo-Hall).

En revanche, tout semble simple pour Mériem Bouderbala qui, dans un texte d'introduction "La photo Empire", ne nous "rassure" pas vraiment en soutenant, à partir d'une perception finalement très subjective, voire idéologique (ce qui n'est pas interdit) mais visiblemment bien peu documentée (ce qui est plus embêtant), que la photographie orientaliste, et donc l'art de Lehnert, ne doivent pas être sorties de leur contexte colonialiste, qu'elles ne visent qu'à "sous-humaniser l'autre" (en fait, il ne doit s'agir ici pour Lehnert que des femmes car le réel problème de la pédérastie qui existaient bien des deux côtés de la Méditerranée est encore impossible à révéler pour l'auteur) et qu'elles peuvent être comparées aux récentes photographies prises dans les prisons de Bagdad (sic) sous prétexte que Lehnert ne respecte pas la condition par ailleurs condamnée des femmes maghrébines enfermées dans les harems. Thèse de Malek Alloula bien connue. Comparaison assez étonnante entre des prisonniers dénudés et photographiés par des soldats avec des femmes vivant en marge d'un système d'enfermement et qui consentent à l'acte de création artistique du photographe, même si l'on peut soutenir que la prostitution est aussi une prison, ce qui n'est pas ici le propos de l'auteur. Christelle Taraud parle à propos des femmes dénudées par Lehnert et les autres photographes occidentaux de "premier essai d'émancipation même s'il est voué à l'échec" (voir la bibliographie de notre site). En effet, redisons-le, les modèles photographiées dont la beauté est transcendée par Lehnert étaient des marginales qui vivaient justement en dehors du système "carcéral" de la société traditionnelle musulmane que dénonce Mériem Bouderbala. Pourquoi penser que Lehnert veut les humilier alors qu'il ne fait que trouver là où il le peut des femmes qui acceptent qu'un artiste les "utilisent" pour idéaliser le corps de la femme orientale ? Je sais bien que la diffusion de ces clichés en cartes postales peut annoncer à postériori ce que nous appelons aujourd'hui la mondialisation de l'information, mais c'est nier ce que nous pensons être, chez L&L, par la dignité des légendes des cartes tunisiennes, et cela à tort ou à raison, un compromis finalement acceptable entre l'art et le commerce. Du reste, L&L ont aussi diffusé en cartes postales des nus européens : parle-t-on ici de sous humanisation ?

Pour le reste, il était certes temps, qu'au-delà des louanges sans nuances publiées jusqu'à présent par Abdelkrim Gabous, que l'on aimerait d'ailleurs bien entendre aujourd'hui, lui qui a fait connaître en Tunisie l'oeuvre de L&L même s'il s'agissait d'une partie bien réduite, la "révélation" plus affinée mais encore incomplète de cette oeuvre délie enfin les langues. Reste à savoir si, de thèse à antithèse, on pourra enfin se demander si l'oeuvre de Lehnert ne questionne pas des deux côtés de la Méditerranée, et plus que toute autre, si elle peut devenir bien plus un pont possible qu'un sujet de discorde supplémentaire. Comme nous l'écrit si justement un de nos amis tunisiens, "s'immerger autour d'un iceberg dont on ne voit encore que la partie visible est courrir le risque de ne pas en sortir indemne", et cela des deux côtés de la Méditerranée. Après son pamphlet contre la carte postale coloniale, Malek Alloula s'est pourtant rendu compte que, malgré quelques légendes que selon nous l'on pourrait vraiment mettre en cause, on ne pouvait faire l'amalgame entre Jean Geiser et les autres photographes-éditeurs en Algérie. De ce point de vue, l'oeuvre de L&L, plus pauvre en soldatesque que celle de Geiser, n'a le tort que d'être au moins aussi talentueuse et surtout plus dérangeante, mais pour tout le monde, sur les aspects les plus tabous du tabou absolu : l'érotisme. Dès lors que l'on en parle et surtout qu'on le montre par la photographie, comme par coincidence, et contrairement à la peinture, l'érotisme perd alors d'un seul coup toute crédibilité artistique, surtout quand la photographie engendre des sous-produits aussi inacceptables que la carte postale. Sur ces cartes postales, il est évident que le consensus est impossible. Les nuances, même les plus fortes, s'imposent. Nous-mêmes avons dénoncé chez L&L des dérives commerciales très graves. Peut-on alors établir sur ce point une responsabilité dissociée entre les deux associés : l'artiste et le gestionnaire ? Ou les deux sont-ils de fait corresponsables, même si selon moi, encore une fois, les dérives ne sont que commerciales et non idéologiques, malgré les relations que certains établissent entre capitalisme et colonialisme. En relisant l'histoite, c'est oublier qu'en France, c'est la gauche humaniste et éducatrice ( Jules Ferry !) qui a lancé le mouvement contre la droite nationaliste qui ne pensait alors qu'à l'Alsace et la Lorraine. Que l'affairisme se soit vite engouffré dans la brèche reste évident, mais quand même la question reste bien plus complexe qu'il n'apparaît à première vue, surtout quand L&L se piquent de mettre de l'art dans ces maudites cartes postales ! Quant aux photographies, si Mériem Bouderbala appelle donc à en faire le deuil pour permettre à la création contemporaine et à l'identité magrébines de se construire, de son côté, Alain Fleig appellerait plutôt à faire le deuil du regard (anti)colonialiste.

S'agissant de deuil, pour notre part, nous nous contenterons (pour une fois) de constater que par les commentaires passionnés qu'elle suscite encore, l'oeuvre de Rudolf Lehnert est décidément encore bien vivante !

(M.M. Dernière mise à jour ou "repentir" 26 octobre 2006)

 

 

Nous ajoutons à ces textes l'annonce de l'exposition, à partir du 10 novembre prochain : "L'Aventure orientale" dont Alain Fleig est aussi le commissaire et dont la préparation semble expliquer le silence à Tunis avant le colloque. On y retrouvera parmi bien d'autres Rudolf Lehnert et nous avons souligné en gras le dernier paragraphe qui semble comme répondre à toutes les critiques exprimées à Tunis. Le dialogue n'a donc pas lieu à Tunis mais de part et d'autre de la Méditerranée. Encore une fois, nous espérons sincèrement que le colloque et les tables rondes organisées à cette occasion seront l'occasion de confronter les idées avec conviction mais aussi aussi équilibre.

 

L’AVENTURE ORIENTALE
ENTRE ART, DOCUMENTS ET COMMERCE


LES GRANDS ATELIERS PHOTOGRAPHIQUES
AU PROCHE-ORIENT ET AU MAGHREB
DE 1860 À 1914

 

Du 10-11-2006 au 21-01-2007
Avec le soutien de la Région Poitou-Charentes

Conférence d’Alain Fleig et d’autres invités, à l’Amphi du Lycée Cordouan
de Royan le Vendredi 10 novembre à 14h (horaire à confirmer)
en collaboration avec les enseignants et toute l’équipe pédagogique du
Lycée.

Commissaire : ALAIN FLEIG, Plasticien et Historien de l’art
Directeur artistique : FRÉDÉRIC LEMAIGRE

Avec plus de deux cents tirages originaux d’époque, cette exposition sera
la plus importante et la plus riche à ce jour consacrée à ce thème
spécifique, c’est-à-dire aux photographes résidents, artistes et/ou
commerçants.
Les grand noms, parmi d’autres seront présentés, pour le Proche-Orient :
Pascal Sebah, les frères Abdullah, Guillaume Berggren, Félix Bonfils, Henri
Béchard, Henri Arnoux, les frères Zangaki, et pour le Maghreb : Garrigues,
Jean Geiser, Soler, Émile Fréchon, Alexandre Leroux, Marcellin Flandrin et
Rudolf Lehnert.

En marge des grands courants photographiques et de l’évolution technique
considérable qui a eu lieu entre les années soixante et quatre-vingts du
XIXe siècle, la photographie au Moyen-Orient, fait, à l’inverse, évoluer
considérablement la vision des photographes et de leur public. Elle ouvre
sur une pratique documentaire intense et sur les possibilités d’une
approche artistique directe et consciente d’elle-même, mettant en jeu le
regard même du praticien et sa position face au réel.

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Photographie et rêve de l’autre

C’est dans un contexte colonial que se lit l’évolution de nos photographes
: l’évolution du temps qui change le regard, mais aussi la position
personnelle, l’homme dans l’Empire, qui se déplace et, déjà, déplace avec
lui son appareil, sa technologie. L’homme face à l’Empire et tout ce qui
les compose et les décompose l’un et l’autre, peut-être parallèlement, qui
se signe dans la duplicité de l’espace, son faux redoublement dans le
différent des images.

Mais, il y a aussi, dans ces images, plutôt qu’une unique vision coloniale
que certains persistent à y voir, une poésie toujours subtilement présente,
peut-être celle de l’exil, une sorte de mélancolie qu’on prend à tort,
parfois, pour de la nostalgie, et un intérêt sincère pour qui est là,
devant l’objectif et si lointain pourtant. Ce différent inconnu et qui
semble plus vrai, plus justement humain, peut-être parce qu’on le sent non
pas prélevé (et forcément annulé), mais restitué : cette dimension de
l’Autre.

Alain Fleig

 

 



LE COLLOQUE : UN PREMIER PROGRAMME

Trouvé sur le site de l'Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain

http://www.irmcmaghreb.org

 

Dans le cadre de l’exposition L’image révélée. De l’orientalisme à l’art contemporain que l’IFC organise au Palais Kheireddine du 20 septembre au 4 novembre 2006, auront lieu trois soirées de conférences – débats avec la participation de :

Christine Peltre, Moez Safta et Faouzia Zouari, le 2 novembre 2006 : L’Orientalisme aujourd’hui.
Fethi Ben Slama et Ziyed Krichen, le 3 novembre 2006 : De la subversion et de l’identité de l’Islam.
Jean-Claude Kaufmann et Simon Njami, le 4 novembre 2006 : Le paradoxe identitaire des images.

Ces conférences-débats auront lieu à : El Teatro, complexe El Mechtel, Boulevard Ouled Hafouz, Tunis à 18h.

L'orientalisme, l'identité de l'Islam et la réflexion sur l'image, le programme est riche et prometteur. Débats publics : profitez-en ! M.M. (25 octobre)

La Presse, 24 octobre

 

Colloque

Suite à l’exposition «L’image révélée, de l’orientalisme à l’art contemporain» (Palais Kheïreddine)

Rencontres autour de « I mage et identité »


Exposition-phare de la rentrée, « L’image révélée de l’orientalisme à l’art contemporain » a drainé un vaste public qu’attirait cette rencontre des extrêmes.
Public curieux, motivé par cette confrontation de regards à travers le temps et l’espace.
Cette exposition s’achèvera bientôt, et connaîtra probablement un autre destin, voyageant à travers plusieurs pays.
Les organisateurs de l’exposition ont souhaité, cependant, qu’un tel événement ne s’achève pas par une simple clôture, mais qu’il ait un prolongement dans les esprits et la mémoire.
Ils ont ainsi souhaité engager une réflexion sur les problématiques de l’image et de l’identité.
Une série de rencontres et de débats auront lieu, donc, sur le thème de « Image et identité », conférences réunissant deux ou trois intervenants autour d’une thématique. Elles auront lieu les 2, 3 et 4 novembre à El Teatro.
Ces trois rencontres poseront la problématique de l’image et de l’identité sous l’angle esthétique, psychanalytique et sociologique.

L’orientalisme, aujourd’hui

Comment parler de l’orientalisme, aujourd’hui ? Quel regard porter sur les mystères de l’Orient et l’utopie qu’il a pu représenter en Europe au cours des deux derniers siècles ? Quel est l’actualité de ce mouvement artistique et littéraire ?
Tel sera le premier thème débattu. Abdelkader Zeghal, sociologue, Fawzia Zouari, journaliste, Christine Peltre, professeur d’histoire de l’art contemporain, directrice de l’Institut d’histoire de l’art de Strasbourg, et Moëz Safta, plasticien, se retrouveront autour d’une table pour en discuter.

De la subversion de l’identité en Islam

Comment les Arabes anciens ont-ils reçu la notion d’identité lors de leur rencontre avec la philosophie grecque ?
Comment l’Orient islamique s’est-il identifié et désidentifié en même temps à l’identitaire de l’Occident ? Dans un monde arabe en proie aux tourments les plus vifs de l’identité, comment contribuer à déjouer le piège des idéologies qui prétendent administrer des remèdes dogmatiques évidents.
Zied Krichen, rédacteur en chef de Réalités, et le psychanalyste Fethi Ben Slama débattront de ce thème.

Le paradoxe identitaire des images


Quel rôle les images jouent-elles dans le processus de construction des identités ? Dans quelle mesure l’identité d’un individu intervient-elle dans la perception des images ?
Simon Njami, commissaire de l’exposition pour la partie art contemporain, Jean-Claude Kaufmann, sociologue, et Racha Mezrioui, enseignante à l’Ipsi, tenteront de répondre à ces questions.

Alya HAMZA

 

 


COMMUNIQUE DE PRESSE SUR LE COLLOQUE

PROGRAMME DEFINITIF



Rencontres et débats

IMAGE ET IDENTITES

du 2 au 4 novembre 2006

EL TEATRO, COMPLEXE EL MECHTEL, TUNIS

 

Institut français de coopération

87, avenue de la Liberté

BP 1801080 Tunis

 

Avec le concours de l’IRMC

En collaboration avec la librairie Mille Feuilles qui assurera la vente des ouvrages à l’issue des rencontres

 

Contact : Hélène Pasquet. T. +216.71.105.232F. +216.71.105.242

helene.pasquet@diplomatie.gouv.fr

 

Jeudi 2 novembre, 18h

L’orientalisme aujourd’hui

Vendredi 3 novembre, 18h

De la subversion de l’identité en Islam

Samedi 4 novembre, 18h

Le paradoxe identitaire des images

À l’issue de l’exposition L’image révélée, de l’orientalisme à l’art contemporain au Palais Kheïreddine, l’Institut français de coopération vous propose de réfléchir avec ses invités sur les problématiques de l’image et de l’identité abordées au fil de trois soirées sous l’angle esthétique, psychanalytique et sociologique.Ainsi, l’art et les échanges scientifiques, naturellement ouverts et accessibles au grand public, apparaissent-ils ici comme les deux facettes d’une même manifestation sur le thème des regards croisés entre Orient et Occident.

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L’orientalisme aujourd’hui

Jeudi 2 novembre, 18h

Comment parler de l’orientalisme aujourd’hui ? Quel regard porter sur les mystères de l’Orient et l’utopie qu’il a pu représenter en Europe au cours des deux derniers siècles ? Issus d’horizons divers, nos invités évoqueront l’actualité de ce mouvement artistique et littéraire.

Discutant : Abdelkader Zghal, sociologue, Alain Fleig, plasticien et historien de l’art Christine Peltre, directrice de l’Institut d’histoire de l’art de Strasbourg, Moez Safta, plasticien et enseignant à l’Institut des Beaux-Arts de TunisFawzia Zouari, écrivain et journaliste

Historien de l’art spécialisé dans la photographie et le cinéma, Alain Fleig est le commissaire de l’exposition L’image révélée pour les photographies de Lehnert et Landrock.Professeur d’histoire de l’art contemporain à l’université Strasbourg II où elle dirige l’Institut d’histoire de l’art, agrégée de lettres classiques, Christine Peltre est spécialiste de l’orientalisme. Elle a été associée à plusieurs expositions de l'Institut du Monde Arabe à Paris : De Delacroix à Renoir, l'Algérie des peintres (2003), Chevaux et cavaliers arabes en Orient et en Occident (2002), Le Maroc de Matisse (1999). Elle est l’auteur de nombreux articles et ouvrages sur ce sujet parmi lesquels : Les Arts de l’Islam, Gallimard, 2006, Orientalisme, Terrail, 2004, Dictionnaire culturel de l’orientalisme, Hazan, 2003. Docteur en Art et Sciences de l’Art, Moez Safta a soutenu une thèse sur l’imagerie coloniale en Afrique du Nord. Sculpteur et plasticien, il enseigne à l’Institut supérieur des Beaux-Arts de Tunis. Docteur en littérature française comparée, Fawzia Zouari a travaillé dix ans pour l’Institut du Monde Arabe et présidé le Cercle des intellectuels maghrébins de 1987 à 1996. Journaliste à Jeune Afrique, elle a publié plusieurs essais et romans parmi lesquels : La Deuxième Épouse(Ramsay, 2006), La Retournée (Ramsay, 2002), Pour en finir avec Shéhérazade (Cérès, 1997). Sociologue, Abdelkader Zghal s’est intéressée dans ses recherches au développement et à l’identité. Il a enseigné en Tunisie, en France et aux États-Unis.

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De la subversion de l’identité en Islam

Vendredi 3 novembre, 18h

« L'identité est au coeur des discours politiques de notre époque. Elle cristallise des affrontements idéologiques, des guerres et des génocides sur toute la planète. Leur extension confère aux conflits identitaires une dimension qui met en jeu les rapports entre civilisations.Le monde arabe et musulman est partie prenante de cette situation, à maints égards. Or, le présupposé de cette conjoncture est que nous sommes assurés universellement de ce que veut dire la notion d'identité. C'est cette assurance que je souhaite questionner, et examiner la façon dont elle a été subvertie par certains penseurs du monde arabo-musulman, plusparticulièrement avec Ibn Arabî. » Fethi Benslama

Discutant : Zyed Krichen, rédacteur en chef du magazine Réalités. Fethi Benslama, psychanalyste, professeur de psychopathologie à l’université Paris VIIPsychanalyste, Fethi Benslama est professeur de psychopathologie à l’université Paris VII. Il a participé à plusieurs ouvrages collectifs et publié de nombreuses études sur la clinique psychanalytique, sur l’Islam et l’Europe à l’époque contemporaine. Il est l’auteur des essais Déclaration d’insoumission : à l’usage des musulmans et de ceux qui ne le sont pas (Flammarion, 2005) et La Psychanalyse à l’épreuve de l’Islam (Aubier, 2002). Zyed Krichen, rédacteur en chef et éditorialiste de l’hebdomadaire Réalités, possède l’une des plumes les plus fines de Tunisie. Ses articles sur la culture et la civilisation musulmanes et la pensée et les mouvements islamiques contemporains sont l’objet de commentaires passionnés.


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Le paradoxe identitaire des images

Samedi 4 novembre, 18h

Quel rôle les images jouent-elles dans le processus de construction des identités ? Dans quelle mesure l’identité d’un individu intervient-elle dans la perception des images ? Nos invités exploreront les relations paradoxales entre image et identité.

Discutant : Simon Njami, critique d’art. Jean-Claude Kaufmann, sociologue, directeur de recherche au CNRSRacha Mezrioui, enseignante à l’IPSI de TunisSociologue, Jean-Claude Kaufmann est directeur de recherche au CNRS. Il a notamment travaillé sur la vie conjugale et ses implications sur la construction des identités. Il est l’auteur de nombreux articles dans des revues nationales et internationales et de plusieurs ouvragesparmi lesquels L’invention de soi. Une théorie de l’identité (Armand Colin, 2004) et Corps de femmes, regards d’hommes (Nathan, 1995). Docteur en Sciences de l’information, Racha Mezrioui est maître-assistante à l’Institut dePresse et de Sciences de l’information de Tunis où elle est chargée d’un séminaire d’analyse sémio-pragmatique des communications visuelles. Simon Njami est l’un des fondateurs de la Revue noire, référence en matière d’art africain contemporain. Commissaire de l’exposition Africa Remix au Centre Georges Pompidou à Paris en 2005, il est aussi commissaire pour la partie Art contemporain de L’image révélée au Palais Kheïreddine à Tunis.





La Presse (Tunis)

31 Octobre 2006

Tunisie: Images et identités


Le sujet proposé soulevait suffisamment de questions pour leur donner à tous envie d'y répondre.

« Images et identités » : où commence l'une, où finit l'autre ? Qui cache quoi ? ou le révèle ? Quand se superposent-elles et quand se trahissent-elles?

La problématique posée était d'autant plus intéressante et stimulante qu'elle venait conclure une rencontre - confrontation autour de «l'image révélée» - objet d'une exposition qui draina beaucoup de monde et fit couler beaucoup d'encre.

Les rencontres et débats autour du thème : « Images et identités » se dérouleront du 2 au 4 novembre prochain à El Teatro.

Ils réunissent Alain Fleig et Simon Njami, tous deux commissaires de l'exposition en question, avec des écrivains, Faouzia Zouari, des journalistes, Zyad Krichen, des sociologues, Abdelkader Zeghal, Jean-Claude Kaufmann, des psychanalystes, Fathi Ben Slama, des plasticiens et des enseignants, Moez Safta, Racha Mezrioui, Christine Peltre.

Les thèmes proposés sont pertinents, provocateurs, subversifs quelque fois, mais tous prometteurs de beaux débats et de fécondes rencontres.

Trois jours durant, cet aréopage de beaux esprits se demandera comment parler de « l'orientalisme aujourd'hui » et quel regard porter sur les supposés mystères de l'Orient. On évoquera « la subversion et l'identité en Islam », cette identité qui est au coeur des discours politiques de l'époque et qui est si subtilement variable.

Liens Pertinents

Afrique du Nord
Tunisie
Arts, Cultures, Littérature



Et l'on parlera également du « paradoxe identitaire des images » en se demandant quel rôle les images jouent-elles dans le processus de construction des identités, et dans quelle mesure l'identité d'un individu intervient-elle dans la perception des images.

De ces débats, de ces rencontres, on ne prétend guère faire jaillir la vérité des choses, mais seulement en appréhender un peu mieux les contours en en définissant les limites.

Et offrir un éventail de points de vue issus des horizons de pensées différents, contradictoires peut-être, mais certainement féconds.

A. H.

 

 

 

 


La Presse.tn (Tunis)

7 Novembre 2006

Tunisie: «Images et identités» - l'orientalisme aujourd'hui

Néjib G.

 


L'orientalisme, aujourd'hui, paraît être une forme d'anachronisme. Les orientalistes et les orientalisants ont trop longtemps donné libre cours à leur fantaisie imaginative et trop longtemps porté préjudice à l'image de l'Orient, la vraie, et à l'identité de l'Oriental. Cette vision est passéiste et a toujours figé et l'Oriental et l'Orient dans une forme d'élucubration libre et irrespectueuse de la vie, celle des hommes, de leur histoire et de leur devenir.
C'est comme si l'Occident était affligé de cette sclérose en plaques, portant sur sa perception de l'Autre : l'Oriental, arabe et musulman de surcroît. Ajoutez à cela la tare colonisatrice qui a été à l'origine d'une violence, d'une agressivité et d'une pléthore incommensurable d'actes barbares. En conséquence, l'identité de l'Occidental était devenue synonyme de feu, de sang et de fer En guise de toile de fond, il y a un complexe de supériorité développé par le nazisme et qui a présidé aux différents génocides perpétrés au nom des droits, de la liberté et de la personne. Reste le non-dit véhiculé par toutes les consciences et jamais énoncé : ces valeurs définies par l'Occident en ce qu'il fut une philosophie des lumières, une série de révolutions et une histoire où le sang, la haine, la vengeance et l'intolérance étaient monnaie courante, transposait l'image de soi sur l'Autre et l'accusait de tous ses travers.

Voilà le tableau brossé par les intervenants de ce jeudi 2 novembre, autour du thème « Image et identités », à l'occasion de la clôture de l'exposition sur l'image révélée : Alain Fleig, Christine Peltre, Moez Safta et Faouzia Zouari.

Dans sa communication, Moez Safta a voulu démontrer que « le Tunisien contemporain ne se sent pas concerné par ces images, seuls reflets des désirs et fantasmes de l'Occidental de l'époque coloniale Cette imagerie ne fut surtout qu'un écran ou un miroir d'obstruction de l'identité même du colonisé».

Il rajoute, parlant de « trois mystérieux miroirs et deux tableaux noirs » qu'il y a vu sa propre image reflétée, son propre Moi qu'il décode ainsi : «Mystérieux objets incompréhensibles ».Est-ce là l'image de l'Occidental ou celle de l'Oriental ? Est-ce le reflet de l'identité ou de l'altérité ? Il se résout à affirmer : «C'est une sorte de dialogue entre l'image de soi et l'image de l'Autre, l'image pour soi et l'image pour l'Autre qui semble s'être ainsi établie, tergiversant entre le Même et le Semblable».

A partir de ces préalables, il a cherché à en relever l'impact sur la peinture et de la pratique artistique en Tunisie.

Il a donc tiré les conclusions suivantes :

- Son propos est celui d'un Maghrébin post-colonial de l'image de Maghrébin dans l'imaginaire colonial occidental à travers l'iconographie orientaliste.

- L'orientalisme a légitimé l'impérialisme colonial en mettant en spectacle deux Orients : l'Orient oriental et l'Orient occidental sur l'antithèse desquels l'Europe a réalisé sa distinction de l'«Autre».

- Les images présentées sont non l'illustration d'une époque mais un véritable discours idéologique.

- A travers l'orientalisme, le colonisateur cherche à faire correspondre ses représentations à une réalité présumée de l'occupé avec en guise de repère incontournable : la suprématie de l'homme blanc, garant du progrès et de la modernité.

- La science et le savoir occidentaux sont au service du pouvoir politique. Il a, en conséquence, perdu toute sa crédibilité.

Moez Safta a procédé à une analyse profonde de ce qu'on appelle l'orientalisme. Mais, dans la salle, certains ont fait valoir l'importance de la réaction nationaliste contre l'aveuglement impérialiste des colonisateurs. La pratique artistique nationaliste a récusé le mimétisme servile de l'Ecole de Tunis et a développé une approche authentique en battant en brèche l'imagerie orientaliste dévalorisante et figurative.


"Complexe de supériorité développé par le nazisme...","le Tunisien contemporain ne se sent pas concerné par ces images, seuls reflets des désirs et fantasmes de l’Occidental de l’époque coloniale"... Comme aime à le citer Hamiddedine Bouali, Benjamin Stora a écrit : "une image nous en apprend bien plus sur la société qui la regarde que sur elle-même". A méditer pour ceux qui regardent aujourd'hui "ces images" en Tunisie, pour essayer d'éviter ce genre de déclarations péremptoires peu propices au dialogue. MM (20 nov)

 

 

 

La Presse, 8 novembre 2006

Compte-rendu de la journée du colloque consacré à l'orientalisme

par Slaheddine Haddad

 


Rencontres et débats : IMAGE ET IDENTITES à El Teatro


Toujours sous le signe de la révélation


Un siècle après la venue de Lehnert en Tunisie , l'Institut Français de Coopération vient d'honorer ce singulier photographe autrichien (devenu français) en lui consacrant une exposition réunissant un aperçu partiel de son œuvre, tout cela au Palais Kheïreddine (pas loin de la rue du Tamis où habitèrent notre photographe et son associé Landrock dès leur premier contact avec la Tunisie ), tandis que le premier étage du Palais abritait les performances artistiques de onze plasticiens maghrébins et africains. Dans le sillage de ce brillant événement, toujours organisé par l'I.F.C, un important public était convié à suivre pendant trois journées consécutives (Jeudi 2, vendredi 3, Samedi 4 novembre) à El Teatro - Complexe El Mechtel des rencontres-débats autour du thème " Image et Identités " réunissant d'éminents intellectuels tunisiens et français (Fethi Ben Slama, Alain Fleig, Jean-Claude Kaufmann, Zied Krichen, Racha Mezrioui, Simon Njami, Christine Peltre, Moezz Safta, Abdelkader Zghal,, Fawzia Zouari.)


La première journée des rencontres et débats devait nous ramener au cœur du sujet à savoir " L'Orientalisme aujourd'hui. " El Teatro " s'avoua incapable de recevoir un public assoiffé de culture, dont le nombre dépassait la centaine. Témoin aussi, ce livre d'or de l'exposition du Palais Kheïreddine où un public composé de bon nombre de Tunisiens et certains étrangers n'a pas manqué de manifester une admiration sans bornes pour ce ravissement des sens.
Christine Peltre Directrice de l'Institut d'Histoire de l'Art de Strasbourg commença par aborder le phénomène historique de l'Orientalisme, démontrant qu'il n'était pas purement esthétique mais touchait à l'origine les problèmes et les insuffisances de la société occidentale. L'Orientalisme en question tel qu'il se développa, partait selon elle, d'un profond constat de mépris : l'absence d'un art figuratif chez les Arabes, laissait présumer chez ce peuple une absence de culture. Á partir de 1996, le phénomène de la peinture orientaliste fut réhabilité par débat d'intellectuels maghrébins entretenu par Boujedra, Sebbar et Mernissi.
Moez Safta, plasticien et enseignant à l'Institut Supérieur des Beaux-Arts de Tunis, tout en évoquant la présence métaphorique de ces fameux cadres vides de l'exposition Lehnert, (que nous avons mentionnés dans un précédent article), proposant que face à un tel discours iconographique, il était impérieux de juguler tout glissement. L'œuvre artistique appartenant désormais à celui qui en est le spectateur, appelant en définitive à une tolérance du regard. Fawzia Zouari, plus connue comme écrivain et journaliste devait dans une brève intervention évoquer le caractère déstabilisateur d'un Orientalisme créé pour brouiller les relations inter méditerranéennes, constatant au passage que l'actuelle situation internationale n'a pas pour autant arrangé les choses entre Orient et Occident : l'identité de l'oriental est tellement dépréciée que nous assistons à une situation de rejet, devait-elle souligner. En nommant d'emblée Abdelkader Zghal- sociologue en qualité de " modérateur " concernant les débats, les organisateurs savaient pertinemment qu'une soif de discussion pouvait facilement perturber les débats, qui au fond, étaient là pour justifier l'aspect de la réussite de cette rencontre. Indubitablement, les discussions furent écourtées créant une situation de frustrations. Autre fait : dans sa brève intervention, Alain Fleig, historien de l'art et commissaire de l'exposition Lehnert & Landrock devait faire une légère allusion à la censure. Hamideddine Bouali présent dans la salle et conseiller de la Municipalité de Tunis, unique partenaire de l'I.F.C pour l'exposition et en sa qualité de spécialiste de la photo, interrogé, devait déclarer : " Il n'y a pas eu de censure, mais un nombre indéterminé de photographies d'enfants à moitié nus ou dans des situations équivoques, ont été retirées pour des raisons de bienséance. Les nus d'adultes n'ont pas subi de mesures particulières, ce qui explique leur présence dans l'exposition. La Tunisie est dotée d'une législation protégeant les Droits de l'enfant et nous nous devions de la respecter ". Événement majeur que cette rencontre-débat venant tout de suite couronner une manifestation grandiose de la photographie. Elle aura surtout eu le mérite de révéler des attentes, de susciter des appréhensions et surtout, de reposer des questions là où on attendait des réponses.

Slaheddine HADDAD

Le Quotidien

 

Culture


«Image et Identités» : Cartes sur table... de la vérité

L’exposition "Image Révélée" qu’a orchestrée l’IFC en partenariat avec la Ville de Tunis depuis le 20 septembre n’est pas passée inaperçue. Sa clôture provoque aujourd’hui un débat (et quel débat !) sur la force de l’image qui détruit, qui construit...
L’Institut Français de Coopération (IFC) nous surprend de temps à autre et nous gratifie d’une activité peu ordinaire, qui fait beaucoup de bruit dans la cité et crée l’événement.
L’événement qui a inauguré l’année culturelle 2006-2007 est sans aucun doute celui de l’exposition Image Révélée qu’abrite le prestigieux Palais Kheireddine (musée de la ville de Tunis sis à la Médina) depuis près de quarante jours déjà. Pour cette fois-ci, nos amis français ont poussé (et ils ont bien fait) les choses artistiques au-delà de l’esthétique en grattant un peu dans la croûte d’une plaie vieille comme le monde et qui est de plus en plus cruciale avec les aléas des temps modernes. L’exposition a réfléchi des lumières sur des photos — les premières sur la Tunisie saisies par l’appareil de Lehnert et Landrock, deux amoureux de notre pays du début du 20ème siècle —, qui en disent long sur la vision exogène, et d’autres expressions en photos, installations et autres mises en scène à l’étage appartenant à onze artistes tunisiens ou originaires du Sud de la Méditerranée, c’est-à-dire des pays colonisés autrefois par les Français. Comme l’Algérie, l’Egypte et le Maroc.
Cette manifestation a laissé des rumeurs. Des bonnes et des moins bonnes qui nous ont plongé les uns et les autres dans des sphères diverses. Une chose attendue et bonnement prévue des organisateurs pour déclencher un débat libre avec des gens qui pensent. Et qui pensent avec le recul et qui sont d’ici et d’ailleurs. C’est-à-dire de notre Orient et Sud ou des gens orientalistes et curieux de notre portrait.
A partir du 2 novembre et durant trois jours successifs, l’Espace El Teatro sera squatté par une foule d’analystes qui auront à défricher leurs idées et leurs propres jugements. Sur la table, ils mettront toutes les cartes et ils vont décortiquer point par point et zone par zone des volets entrouverts. Ni tout à fait clos ni tout à fait béants.
Dès le premier jour et dès 18 heures, les Alain Fleig et Christine Peltre de France et du monde des arts vont traiter ce regard avec l’Orientalisme d’aujourd’hui. En face, les Moez Safta, plasticien et universitaire de chez nous, s’associe à notre Faouzia Zouari nationale (journaliste et écrivaine qui a choisi de vivre de l’autre côté de la rive méditerranéenne). Tous deux répondront à vif et à cœur ouvert aux traits les plus croustillants de ce thème encore et encore de brûlante actualité.
Le second soir sera pour une autre fenêtre qui va s’ouvrir sur la Subversion de l’Identité en Islam. Et là, le discours se penche sur son côté politique. Pour ce, les hôtes d’El Teatro sont soit des sociologues, des psychanalistes ou des critiques dans l’air de l’actualité. Discuteront et en extension ce thème Fethi Benslama, Zyed Krichen entre autres...
Quant à la dernière soirée, c’est le paradoxe identitaire des images qui remonte en surface et flotte avec les diverses constructions de l’image et de l’identité. Qui identifie en fait l’autre ? C’est quoi l’image dans l’identité ou que définissent les traits en ombre ou en lumière de l’identité de l’un à travers le regard de l’autre ? Sur cela se questionneront les Jean-Claude Kaufmann (sociologue et directeur de recherche au CNRS) du côté français, Racha Mezriou, enseignante à l’IPSI à Tunis et Simon Njami, un fervent critique d’art et promoteur et exportateur d'art contemporain de notre continent. Le début s’annonce de haute facture et à ne pas rater cette confrontation sur le vif du sujet.
Un sujet, côté pile ou face qui n’exige que du rationalisme. Pour vous voir mieux. Pour nous voir mieux. Et pour voir mieux le monde dans sa transparente image...

Zohra ABID

 

 

Le Quotidien, 4 novembre

Culture


“L’orientalisme aujourd’hui” : Des regards et des fantasmes

La soirée inaugurale des Rencontres et débats sur le thème Image et identités qu’organise du 2 au 4 novembre l’IFC à l’issue de l’exposition l’Image Révélée qu’abrite le Palais Kheïreddine de la Médina a drainé avant-hier soir à El Teatro la grande foule. Et pour cause.
Car il n’arrive pas tous les jours qu’on tombe sur une exposition événementielle, qui suscite le débat et le suivi. Pour revenir au thème de l’Image Révélée, de l’orientalisme à l’Art contemporain”, il est fort intéressant pour ses multiples facettes, lectures et interprétations et il est grand temps de soulever le voile de l’ambiguïté. D’ailleurs, les responsables de l’Institut français de Coopération (IFC) ont osé provoquer toute une problématique, tout une polémique et surtout confronter les idées. Pour ce, les invités de jeudi soir étaient d’ici, c’est-à-dire du Sud, et d’ailleurs, venus de France. Tous spécialistes dans les regards croisés, les regards sur l’Orient d’hier et d’aujourd’hui.
Les interventions étaient comme prévu d’un niveau très élevé. Dommage quand même pour le débat qui était en deçà de nos attentes. Nous avons senti une certaine réticence de tous ces gens qui ont rempli la salle d’El teatro. Ils sont des étudients en Beaux-Arts, des artistes, des universitaires, des sociologues et des psychologues. Mais en quittant la salle des conférences, tout ce beau monde a essaimé au hall pour relancer le débat hors de la tribune et des micros. “C’est toujours bien. Même s’ils n’ont pas pris tout à l’heure la parole en public, regardez comment ils s’expriment maintenant et ils ont l’air de donner libre cours à leurs idées et réflexions et c’est cela en fait notre objectif. Et puis nous n’en sommes encore qu’au premier jour. La deuxième séance va être à mon sens plus rythmée et nous sommes très confiants pour le bon déroulement de ces trois soirées”, nous a notamment confié Denis Lebeau, responsable de l’IFC, qui n’a pas cessé d’afficher un large sourire et sa satisfaction illimitée. Et d’ajouter qu’il est grandement heureux de collaborer avec les Jebali qui sont des gens du métier et qui jouissent d’une bonne réputation. “Regardez tout ce monde. C’est à ne pas y croire”, a-t-il dit.

* Dans l’inconscience de l’Occident
La rencontre a porté la griffe de Alain Fleig, Palestinien et historien d’art, mais aussi commissaire de l’exposition; côté français, de Christine Peltre, spécialiste de l'Orientalisme et auteur de L’Algérie des peintres (2003), Les Arts de l’Islam (Gallimard 2006) et chez Hazan, en 2003, le fameux Dictionnaire culturel de l’Orientalisme. La spécialiste a longuement défriché le thème de son côté nudité, portrait, toutes les critiques tout autour, et toutes les méthodes utilisées par les Occidentaux en gros plan, en arrière-plan, à distance… C’était sa façon pour expliquer toute forme de regard et d’expliquer qu’il y a “des critiques de l’Orientalisme qui cherchent à atténuer de la réputation des voyageurs, nomades, photographes, peintres et autres écrivains”. Et ne pas “oublier que c’était la rencontre des cultures du 19ème siècle et c’était la tempête des colonialistes…”.
Du côté tunisien, nous avons eu la crème de la crème du Tunis des arts. Et notre Moëz Safta, très attendu par les étudiants était dans son intervention égal à lui-même, d’une rare objectivité et d’une éloquence peu ordinaire. “En me promenant dans les méandres du palais, il y a eu des choses qui m’ont interpellé, m’ont interrogé et m’ont provoqué”, dit-il. Et c’est ainsi que, preuve à l’appui (le miroir et autres installations), notre universitaire et artiste s’est basé pour parler du “fantasme occidental, dans la simple photo, dans la carte postale (massivement manipulée), dans l’imagerie coloniale et dans ce regard étranger, étrange et exotique”, et de parler de l’Orient de jadis, tout en raffinement, de l'Orient qu’ils veulent de pacotille.
Dans le même sens et encore du côté tunisien, Faouzia Zouari, journaliste et écrivaine a évité de parler de l’écriture plastique et préféré, comme d’habitude, “faire des confidences et non donner une conférence”, et elle est partie de sa propre expérience à Paris. Elle n’est ni d'Orient ni d’Occident, mais elle a son propre avis sur cet Orient devenu dans une carte de beauté et de cosmétique (épilation, hammam, huile…)… et autres tissus et produits en vogue en Occident et qui se vendent bien. L’auteur de La Retournée, a aussi mis le couteau dans la plaie en évoquant les images de torture et de nudité des prisonniers irakiens torturés par l’armée américaine. Une chose qui traduit l’inconscient des Occidentaux qui aiment mettre à nu l’Orient, à le déshumaniser, à le désamorcer, à ternir ses couleurs premières…
Le débat, comme on vient de l’annoncer n’a pas été, hélas, d’un grand intérêt mais c’était un bon début pour cogiter sur l’Orient, sur l’Occident et donner un soupçon de regard… Le programme d’hier tournait autour de la subversion de l’Identité en Islam. Pour ce soir clôtural, on nous promet une rencontre sur Le Paradoxe identitaire des Images. Le thème est aussi intéressant et à ne pas rater.

Zohra ABID

 

Alain Fleig palestinien ? Et où parle-t-on de Lehnert et de la spécificité de son oeuvre ? Notons cette frustration encore énoncée des assistants riche cependant de promesses et cette allusion incessante aux photos des prisons irakiennes ! Rappelons-le encore : si ces photos choquent à juste titre, car elles sont inadlissibles, cela n'a rien à voir avec l'oeuvre de Lehnert qui déshabille des prostituées qui vivent en marge d'une société que baucoup de femmes d'Orient ont dénoncé et dénoncent encore comme carcéral. M.M (10 novembre)

 

 

 

Le Temps, 19 novembre

 

L’image révélée” de l’I.F.C.

Les éternelles interrogations de la photographie


À l'issue de l'exposition de l'image révélée, de l'orientalisme à l'art contemporain au Palais Kheïreddine, l'institut français de coopération nous a proposé de réfléchir et de dialoguer sur les problématiques de l'image et de l'identité abordées au fil des trois soirées, sous l'angle esthétique, psychanalytique et sociologique.


Ces Rencontres et débats intitulés, " IMAGE ET IDENTITÉS ", se sont déroulées les 2, 3 et 4 novembre 2006 dernier à El Teatro.

Au cours de la première rencontre " L'ORIENTALISME AUJOURD'HUI ", les invités Abdelkader Zghal ,sociologue,Alain Fleig, plasticien et historien de l'art, Christine Peltre, Directrice de l'histoire de l'art de Strasbourg, Moez Safta, plasticien et enseignant à l'institut supérieur des Beaux-Arts de Tunis et Fawzia Zouari, écrivain et journaliste, tous issus d'horizons divers, ont essayé d'évoquer l'actualité de ce mouvement artistique et littéraire.

Comment parler de l'orientalisme aujourd'hui ? Quel regard porter sur les mystères de l'Orient et l'utopie qu'il a pu représenter en Europe au cours des deux derniers siècles ?

Le second débat " DE LA SUBVERSION DE L'IDENTITÉ EN ISLAM " a abordé l'identité en rapport avec la culture, la psychanalyse, la civilisation musulmane et la pensée islamique contemporaine .

Le premier invité Fethi Benslama, psychanalyste et professeur de psychopathologie à l'université Paris VII, a parlé de l'identité d'un point de vue psychanalytique en signalant la difficulté de parler de celle-ci puisqu'elle n'est pas dense dans le monde arabe.

" L'identité est au cœur des discours politiques de notre époque. Elle cristallise des affrontements idéologiques, des guerres et des génocides sur toute la planète. Leur extension confère aux conflits identitaires une dimension qui met en jeu les rapports entre civilisations. Le monde arabe et musulman est partie prenante de cette situation, à maints égards. Or, le présupposé de cette conjoncture est que nous sommes assurés universellement de ce que veut dire la notion d'identité. "

Ainsi Fethi Benslama a essayé de questionner et d'examiner la façon dont cette notion a été subvertie par certains penseurs du monde arabo-musulman et plus particulièrement avec Ibn Arabi.

Notre psychanalyste a parlé dans un premier temps de l'identité dans la philosophie arabe, ensuite de l'hypothèse de la lecture de Ibn Arabi qui s'est caractérisée par une très grande liberté dans ses pensées. Selon " la théorie du miroir " de ce penseur, toute notre vie doit être une interprétation, Tout ce que nous rencontrons doit être commenté, l'être humain oublie le miroir qui lui permet de regarder son image.

Mais comment construit-on la croyance à partir de l'altérité ? D'après Ibn Arabi, chaque musulman doit réunir toutes les religions, sa pensée universelle de l'islam est le fondement de toute son idéologie " je suis la religion de l'amour " disait-il.

Ce qui nous mènera au troisième débat de cette rencontre intitulée LE PARADOXE IDENTITAIRE DES IMAGES. Quel rôle les images jouent-elles dans le processus de construction des identités ? Dans quelle mesure l'identité d'un individu intervient-elle dans la perception des images ? Les intervenants qui ont clôturé ce débat, ne sont autres que Simon Njami, critique d'art, Jean claude Kaufmann, sociologue, directeur de recherches au CNRS, et Racha Mezioui, enseignante à l'IPSI de Tunis, ont exploré les relations paradoxales entre image et identité.

En conclusion, ces rencontres, riches sur le plan historique, théorique et pratique, ont permis aux intervenants et aux invités issus de différents domaines, et horizons de partager des propos et des avis différents. Selon Alain Fleig, " l'expo suivie du débat, a permis de mettre les pendules à l'heure ".

L'expo des orientalistes à l'art contemporain, a laissé libre choix aux artistes de poser les mêmes questions sur notre vécu, mais avec des moyens différents. " l'expo a intéressé, selon Meriem Bouderbala, des gens de tous milieux confondus, elle est une ouverture sur le monde ",L'art est un langage universel, il reste toujours le moyen de communication par excellence. " Le miroir attend le spectateur pour le rendre partie prenante du dispositif. Nos images s'entremêleront alors jusqu'à ce qu'il s'échappe, jusqu'à ce que le jeu des miroitements fragmentés de nos identités lui soit devenu insupportable et se referme " ajoutait-elle.

Ainsi le rôle de la photographie reste primordial dans la lecture de l'histoire de l'humanité. Les photographies de Lehnert et Landrock, censurées auprès de certains contemporains et commémorées auprès des autres, restent un patrimoine unique et inestimable pour la Tunisie...C'est aussi une partie de notre mémoire. Quant à l'aspect moral, la manière dont les colons ont instrumentalisé ces photos, c'est une autre paire de manche.

Ons ABID

 

Alain Fleig a donc "remis les pendules à l'heure, grâce à l'expo suivie du débat"... Pourquoi alors dénoncer avec fracas un scandale et crier à la censure sur France Culture ? Fleig se censurerait-il lui-même à Tunis ? (MM 19 nov)

 

 

Septembre-novembre 2006